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la forme du visage longue, la physionomie d’un aigle, les cheveux frisés, les dents mal rangées et malpropres, l’air négligé et peu de soin de sa personne, et la taille belle. Il avoit du feu dans l’esprit, mais il ne l’avoit pas juste ; il rioit beaucoup et désagréablement ; il avoit le génie

    il s’habitua à de jeunes cavaliers ; quand il revint, il ne pouvoit plus souffrir les dames. »

    De ce temps (1643) date une chanson fine, qu’il y a quelque agrément à se rappeler, lorsqu’on voit plus tard (en 1652, à Paris) Condé baiser en pleine rue la châsse de sainte Geneviève. Le dialogue a pour interlocuteurs Condé et son ami de La Moussaye (un Goyon). Les deux improvisateurs descendent le Rhône en bateau sous un bel orage :

    Carus amicus Mussæus,
    Ah ! Deus bone ! quod tempus !
    Landerirette !
    Imbre sumus perituri,
    Landeriri.
    —Securæ sunt nostræ vitæ ;
    Sumus enim Sodomitæ,
    Landerirette,
    Igne tantum perituri,
    Landeriri.

    Le père de Condé avoit aussi, dit-on, ces défauts-là ; son page, Hocquetot ou Hecquetot (un Beuvron), lui étoit, à ce qu’il paroît, trop dévoué, et l’on disoit, toujours en latin (Tall., ch. 2, p. 441) :

    Crimina sunt septem, sunt crimina Principis Octo.

    La chansonnette de Condé et de son ami, toute réserve faite, vaut mieux que cet affreux calembour. Condé troussoit le vers gaillardement ; on en a la preuve en françois dans les rondeaux du comte de Maure. Il ne faudroit pas oublier ces poésies dans un recueil des vers de la maison de Bourbon.

    Condé se permettoit, à l’occasion, des entreprises plus humaines. Revenant ivre de chez la Duryer, cabaretière à Saint-Cloud, il rencontre madame d’Ecquevilly près Boulogne ; elle avoit une suite, il en avoit une ; en un clin d’œil il n’y eut qu’une bande, qui disparut dans les fourrés du bois (V. Tallem., deuxième édit., chap. 212). Humaines, ai-je dit ; je