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affaire, lui vendoit bien chèrement les services qu’il lui avoit rendus dans cette guerre. Non seulement le Cardinal ne pouvoit fournir aux grâces qu’il lui demandoit tous les jours, mais il ne pouvoit supporter l’insolence avec laquelle il les demandoit. Le Pont-de-l’Arche, que le prince lui avoit arraché pour son beau-frère le duc de Longueville[1] ; le mariage du duc de Richelieu, qu’il

    si l’on en croyoit les Mazarinades ! Si même on en croyoit La Porte, le valet de chambre de Louis XIV ! Voici au moins l’incontestable vérité : « Le cardinal Mazarin avoit été soupçonné de n’avoir pas eu beaucoup de religion ; sa jeunesse étoit déshonorée par une mauvaise réputation qu’il avoit eue en Italie, et il n’avoit jamais témoigné assez de vénération pour les mystères les plus sacrés. » (Motteville, 5e p., t. 5, p. 94.)

    Giulio Mazarini est né à Piscina[B], dans l’Abruzze, le 14 juillet 1602 ; il est mort à Vincennes le 9 mars 1661. Ce fut un grand homme d’État, un homme d’esprit et un homme de cœur dans son genre. Il paroît démontré qu’il fut l’heureux amant de la reine-mère (V. ses lettres, Société de l’histoire de France, 1836, édit. Ravenel, in-8).

    On l’a raillé pour les travers de son humeur ; on a fait de lui un Harpagon : il achetoit des tableaux, il avoit une bibliothèque admirable, il dépensoit un argent fou pour des machines d’opéra. En 1658 il monte une loterie gratuite (Montp., t. 3, p. 304) de cinq cent mille livres ! Et puis il aima les lettres et les gens de lettres sans appareil de mécénat.

    Nous ne songeons pas à le canoniser, pas même à l’absoudre du mal qu’il a laissé faire dans l’administration du royaume ; mais il faut être juste pour sa mémoire, qui a été, comme sa vie, si agitée.

  1. Henri d’Orléans, descendant de Dunois, né le 27 avril 1595, marié : 1. en 1617, à Louise de Bourbon, fille du comte de Soissons, morte en 1637 ; 2. le 2 juin 1642, à Anne-Geneviève de Bourbon-Condé, née le 27 août 1619. Il est mort le 11 mars 1663. Le duc de Longueville, en sa jeunesse, étoit galant et brave. On lui connoît une fille naturelle,