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se contraignent, l’horreur de cette action redoubla sa douleur, et, sans sortir de la chambre, elle troubla le plaisir de ces amants par des soupirs et par des larmes. Le duc, qui vit bien que, s’il n’apaisoit cette femme, il n’auroit pas à l’avenir dans son amour toute la douceur qu’il souhaitoit, prit soin de la consoler en sortant, et lui dit qu’il sçavoit bien la perte qu’elle faisoit au feu duc, mais qu’il vouloit être son ami et prendre soin de sa fortune, ainsi que le défunt ; qu’il avoit autant de bonne volonté que lui et peut-être plus de pouvoir, et qu’en attendant qu’il pût faire quelque chose de considérable pour elle, il la prioit de recevoir quatre mille écus qu’il lui enverroit le lendemain. Ces paroles eurent tant de vertu que Bordeaux essuya ses larmes, promit au duc d’être toute sa vie dans ses intérêts, et lui dit que sa maîtresse avoit toutes les raisons du monde de ne rien ménager pour lui donner des marques de son amour. Le lendemain Bordeaux eut les quatre mille écus que le duc lui avoit promis : aussi le servit-elle depuis préférablement à tous ceux qui ne lui en donnèrent pas tant.

Au commencement du printemps, la paix étant faite, la cour revint à Paris. Monsieur le Prince, qui venoit de tirer monsieur le Cardinal[1] d’une méchante

  1. Mazarin donna l’abbaye de Doudeauville à l’abbé Cl. Quillet, qui lui avoit dédié le poème latin de la Callipædia, dont le début n’a rien de trop élégant :
    Quid faciat lætos thalamos, quo semine felix
    Exsurgat proles…

    Je ne prétends pas dire que c’est là le plus beau trait de sa vie et l’action la plus utile à la France qu’il ait faite ; mais cela ne laisse pas de montrer qu’il entendoit la gaudriole. Ah !