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recevoir les plus rudes affronts du monde ? Me faire abuser des grâces qu’on me fait et me donner à vingt-deux ans les infirmités de la vieillesse ! » Pendant que la colère me fit parler ainsi,

L’œil attaché sur le plancher,
Rien ne le sçauroit plus toucher.
Aussi, lui faire des reproches,
C’est justement parler aux roches.

« Je passai le reste de la nuit en des inquiétudes mortelles ; je ne sçavois pas si je devois écrire à madame d’Olonne ou la surprendre par une visite imprévue. Enfin, après avoir été long-temps à balancer, je pris ce dernier parti, au hasard de trouver quelque obstacle à nos plaisirs. Je fus assez heureux pour la rencontrer seule à l’entrée de la nuit. Elle s’étoit mise au lit aussitôt que j’étois sorti d’auprès d’elle. En entrant dans sa chambre, je lui dis : « Madame, je viens mourir à vos genoux ou vous satisfaire. Ne vous emportez pas, je vous prie, que vous ne sachiez si je le mérite. » Madame d’Olonne, qui craignoit autant que moi un malheur semblable à ceux qui m’étoient arrivés, n’eut garde de m’épouvanter par des reproches ; au contraire, elle me dit tout ce qu’elle put pour rétablir en moi la confiance de moi-même, que j’avois quasi perdue ; et, en effet, si j’avois été ensorcelé, comme je lui avois dit deux jours auparavant, je rompis le charme à la troisième fois. Vous jugez bien, ajouta le comte de Guiche, qu’elle ne me dit point d’injures en la quittant, comme elle avoit fait les autres fois. Voilà l’état de mes affaires, que je vous prie de faire semblant d’ignorer. »