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nuances du passé. Σ, consonne principale du verbe être (comme le prouvent ἐσ-σί, ἐσ-τί, ἐσ-μέν, ἐσ-τέ, et le sanskrit as-mi, a-si p. as-si, as-ti), servit à désigner le futur, et passa par analogie à l’aoriste, mais non pour y marquer le passé déjà déterminé par l’augment.

Nous pourrions multiplier beaucoup ces observations, qui toutes se vérifieraient par l’analyse et la comparaison des verbes sanskrits, grecs et latins ; des formes qui, dans chacune de ces langues semblent s’écarter de l’analogie, trouvant dans l’une des deux autres leur explication naturelle ; mais il faut se borner, et nous n’ajouterons plus qu’un fait.

On s’étonne de voir l’aoriste passif ἐλύθην, ἐτύφθην, suivre invariablement la conjugaison active. Ce phénomène grammatical s’explique par une remarque très simple. Dans toutes les branches de la grande famille de langues à laquelle appartient le grec, le passif est caractérisé par une des consonnes dentales. En sanskrit et en allemand, par le T. Sanskrit, dadâmi (je donne), dâtah (donné) ; allemand, loben (louer), gelobet (loué). En latin par T et D, amatus, amandus.

Il en est de même en persan et dans les anciens dialectes du nord, comme le prouve très bien M. Bopp, dans un excellent ouvrage allemand destiné à la comparaison de toutes ces langues avec le sanskrit[1]. Il en est de même encore dans l’italien, l’espagnol, l’anglais, langues dérivées, et dont pour cette raison l’autorité n’est que secondaire. Mais il en est de même surtout en grec, où le Τ et le Θ sont des signes constants du passif : λυτός, solubilis ; λυτέος, solvendus ; λυθείς, solutus.

Ce principe une fois reconnu, au radical λυ ajoutez θ, vous avec le nouveau radical λυθ, qui sera passif, quelque terminaison que vous lui donniez. On lui donne la plus naturelle de toutes, le passé du verbe être, ην, ης, η ; on prépose l’augment, et l'on a ἐλύθην. Ce même θ se retrouve dans le futur λυ-θ-ήσομαι, où il est suivi du futur du verbe être, dont la voyelle est allongée, sans doute par un caprice de l’usage. Le futur et l’aoriste second passif, τυπήσομαι, ἐτύπην, peuvent être considérés comme une variété des mêmes formes, dont l’euphonie ou l’habitude auront supprimé le Θ ; car il est facile de concevoir comment les terminaisons ην et ήσομαι, destinées d’abord à marquer uniquement les temps, les nombres et les personnes, auront fini, même sans le Θ, par marquer aussi la voix.

Il n’y a donc à proprement parler que deux temps, le futur et l’aoriste, qui appartiennent exclusivement à la voix passive ; et le sens passif leur est communiqué par un signe accessoire pris hors de la conjugaison,

Le présent et l’imparfait, le parfait et le plus-que-parfait, sont communs au

  1. Déjà ces rapprochements curieux avaient été exposés par le savant M. de Chézy dans son Cours de langue sanskrite au Collège de France. S’ils m’ont fourni quelques idées utiles, c’est à lui surtout que je me plais à en faire hommage.