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qui affectent les voyelles de ce même radical, qu’il les note à mesure qu’elles se présenteront, et qu’il renferme dans des règles communes le plus grand nombre possible de faits analogues ; mais qu’il n’en fasse point son objet principal, et qu’il ne cherche point à soumettre tout à des règles. L’usage apprendra bientôt à rattacher au même verbe λέληθα, ἔλαθον, λανθάνω, avec autant de facilité que tango, tetigi, tactum et tant d’autres verbes latins dont le radical ne varie pas moins qu’en grec.

Il serait possible sans doute d’assigner les lois grammaticales de toutes ces variations. On l’a fait pour une langue où elles abondent plus qu’en aucune autre, le sanskrit. Pour cela, il faudrait d’abord, comme dans les grammaires sanskrites, déterminer le radical de chaque verbe, et le considérer d’une manière absolue, et dégagé de toute terminaison ; ensuite diviser ces radicaux par classes, suivant la nature de leurs modifications. Ainsi, par exemple, on ferait une classe de κρυϐ, τυπ, ῥιφ, et autres semblables, et l’on dirait que ces verbes insèrent τ au présent et à l’imparfait, avant la désinence personnelle, ce qui produit (§ 5, 2°) κρύπτω, τύπτω, ῥίπτω. On en ferait une des radicaux en ι et en υ qui insèrent ζ, comme νομί-ζω, κλύ-ζω ; ou ν, comme κρί-νω, πλύ-νω ; une autre des radicaux en γ qui changent cette consonne en σσ : πραγ, ὀρυγ, πράσσω, ὀρύσσω. On dirait aussi que les radicaux λαϐ, λαθ, μαθ, nasalent leur voyelle, et en outre prennent αν avant la désinence, d’où λαμβάνω, λανθάνω, μανθάνω. On observerait surtout que ces modifications se bornent au présent et à l’imparfait, et que tous les autres temps se forment immédiatement du radical même ; conformité étonnante avec le sanskrit, qui modifie exclusivement les mêmes temps, et à peu près de la même manière.

Ce peu d’exemples font voir comment on pourrait classer très méthodiquement tous les verbes grecs, même ceux qu’on appelle irréguliers. Mais quel travail pour ranger dans sa mémoire cette multitude de subdivisions ! Une autre observation naît encore de ce qui précède. Ce n’est point dans le présent de l’indicatif qu’il faut chercher le radical. Il n’y paraît le plus souvent que déguisé et modifié ; en sorte que l’axiome des grammairiens, « le présent n’est formé d’aucun temps, et il sert à former tous les autres », est essentiellement faux. C’est le radical qui est la base de tout le verbe ; et ce radical se trouve dans le temps qui offre la syllabe la plus simple et la plus brève. C’est l’aoriste second, soit actif, soit passif, pour les verbes qui en ont un : ἔ-φυγ-ον ; ἔ-λιπ-ον ; ἔ-μαθ-ον ; ἐ-κρύβ-ην ; ἐ-τύπ-ην ; ἐῤ-ῥίφ-ην. Dans d’autres c’est le futur : νομί-σω ; dans d’autres le parfait : τέ-τα-κα ; κέ-κρι-κα. Cependant les dictionnaires donnent, et avec raison, la première personne du présent, et non le radical. Partir du radical pour établir des règles de formation, ce serait donc supposer connu ce qui ne l’est pas. C’est donc le présent que nous avons dû prendre, comme on l’a toujours fait, pour point