Page:Burnouf - Lotus de la bonne loi.djvu/708

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
667
APPENDICE. — N° X.

niṭhuliyê kôdhê mânê isyâ | 21 kâlananavahakam̃ mâ paîibhasayisam̃ti êsa bâḍha dêkhiyê iyam̃ mê | 22 hidatikâyê iyam̃ manamê pâlatikâyé[1].

Supprimons, pour épargner l’espace, la version de J. Prinsep, qu’on trouvera dans le journal auquel je viens de renvoyer, et passons à celle que je propose : « Piyadasi, le roi chéri des Dêvas, a parlé ainsi. La loi est une bonne chose ; mais quelle est l’étendue de la loi ? La loi est exempte de la corruption du mal ; elle est pleine de vertus ; c’est la compassion, l’aumône, la vérité, la pureté. Des dons aussi de diverses espèces ont été distribués par moi aux bipèdes, aux quadrupèdes, aux volatiles, aux animaux qui se meuvent dans les eaux ; des faveurs diverses [leur] ont été accordées par moi, jusqu’au présent de l’existence (ou par l’offrande de ce qui n’a pas eu vie). J’ai également accompli beaucoup d’autres actions vertueuses, et c’est pour cette raison que j’ai fait inscrire cet édit de la loi ; qu’on l’exécute ainsi, et puisse-t-il subsister longtemps ! Et celui qui le respectera ainsi, celui-là en recueillera le mérite d’une bonne action.

« Piyadasi, le roi chéri des Dêvas, a parlé ainsi. On regarde uniquement la bonne action et l’on dit : J’ai fait telle bonne action ; mais l’on ne regarde pas le péché, et l’on ne dit pas : J’ai fait tel péché. Et c’est là ce qu’on appelle la corruption du mal, et ce mal est difficile à reconnaître. Il faut cependant savoir le regarder, car les vices qui viennent du mal, comme la violence, la cruauté, la colère, l’orgueil, l’envie, n’élèveront pas la voix contre l’accomplissement de leur cause. Il faut regarder fermement le mal [et dire] : Cela me sert pour ce monde-ci, [mais] ne me sert pas pour l’autre. »

Quelques remarques suffiront pour justifier cette interprétation, sinon absolument et de tout point, du moins dans ses traits principaux et les plus importants. Il est clair que kiyam̃ est pour le sanscrit kiyat, et ce point fixe déjà d’une manière précise le sens des deux premières phrases. Le mot suivant, apâsinavê, que je prends pour un adjectif possessif en rapport avec dhammê, est composé soit de apa préposition, soit de apa « peu, » ce qui est moins probable, et de âsinava, thème du nominatif âsinavê. Ce terme serait en sanscrit âsnava, car le changement de sna en sina est tout à fait dans l’esprit des dialectes prâcrits[2]. Littéralement, âsnava devrait signifier « l’action de tomber goutte à goutte ; de « découler, » comme snava que rapporte Wilson, et c’est l’analogie de cette dérivation avec l’étymologie que donnent les Chinois pour âçrava, « ce qui dégoutte, découle, » qui m’engage à chercher dans âsinava le sens spécial que les Buddhistes attribuent à âçrava. En effet, âçrava, outre cette valeur d’extension, peut avoir en vertu de sa racine le sens physique de « l’action de tomber goutte à goutte, de découler, » sens qu’a certainement âsnava. On n’abuse donc pas de l’analogie quand on suppose qu'âsinava, à son tour, a été pris dans l’acception morale d’âçrava, et l’on ne fait pas un cercle vicieux en corroborant cette hypothèse par le témoignage de l’édit que je viens de traduire.

Il n’y a pas de doute possible sur le mot suivant, bahukayânê ; les Pandits de Calcutta, ainsi que Lassen, y reconnaissent avec raison kalyâṇa. Je remarquerai sur sôtchayê, que

  1. Prinsep, Interpret. of the most ancient of the Inscript. dans Journ. asiat. Soc. of Bengal, t. VI, p. 577.
  2. Lassen, Instit. ling. pracrit. p. 182. Je crois qu’on peut expliquer ainsi le pâli tisina par le sanscr. tîkchṇa.