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APPENDICE. — N° VIII.

de la pierre pour servir d’ornement à la représentation de cet objet vénéré. Il faut descendre jusqu’aux Népâlais pour rencontrer quelque analogie avec ce qu’ont imaginé les Buddhistes de Ceylan. M. Hodgson, sur une des planches qui accompagnent son Mémoire, déjà ancien mais toujours si précieux, inséré dans les Recherches asiatiques de Calcutta, a reproduit un dessin orné du S’hâkya charan, ou des deux pieds de Çâkyamuni, avec les huit Mangaîas, ou signesde bon augure, placés à peu près à la base des doigts de chaque pied. Ces huit signes de bon augure sont le Çrîvatsa, le lotus, l’étendard, le pot à eau, le chasse-mouche, le poisson, le parasol, la conque[1]. Il n’est aucun de ces Mangalas qui ne trouve place dans la liste des soixante-cinq signes que je viens d’analyser.

Le dessin des Népalais est, on le voit, une sorte de transition entre les images nues des premiers temps et les représentations, plus ornées des Singhalais. Comme ces dernières, il est selon moi moderne : les objets dont il se compose, outre qu’ils se retrouvent tous sur le Çripâda des Buddhistes du Sud, ainsi que je le remarquais tout à l’heure, sont des symboles estimés des Indiens à des titres divers. De quel côté a été fait l’emprunt, ou même un emprunt a-t-il été fait ? c’est ce que je ne saurais dire ; il n’y a rien d’impossible à ce que ces enjolivements aient été trouvés dans l’une et dans l’autre école sans communication ; et l’idée a pu en être empruntée à la tradition, qui plaçait déjà un de ces signes, celui du Tchahkra, sur la paume de la main et sous la plante des pieds du Buddha.

Quoi qu’il en puisse être, il y a loin de la sobriété du dessin népalais au luxe de l’empreinte singhalaise, où l’on a été jusqu’à reconnaître des figures comme celles de Brahmâ, des quatre continents, des montagnes himâlayennes, et des autres objets si confus et si ridiculement nombreux qu’on a entassés pêle-mêle sur cette empreinte. C’est une innocente puérilité qu’il faut laisser aux Buddhistes de Ceylan, chez lesquels on conçoit qu’elle se soit d’autant plus facilement développée, que leur respect pour les livres canoniques leur défendant de supposer que Çâkyamuni fût né ou eût vécu ailleurs que dans l’Inde septentrionale, ils n’avaient d’autre ressource pour se rapprocher un peu plus du Maître, que de supposer quelqu’un de ces miraculeux voyages qu’il exécutait par la voie de l’atmosphère, du nord du Magadha dans la partie méridionale de Ceylan, laissant sur la montagne la plus élevée l’empreinte agrandie de son pied merveilleux ; en preuve de quoi, avec cette imperturbable logique de la superstition, ils en montraient la trace profonde dans le rocher. Toutefois, chez les Buddhistes de Ceylan eux-mêmes, cette opinion, que Çâkyamuni imprima dans diverses contrées la trace de ses pas, est assez ancienne, puisqu’on la trouve déjà dans le Mahâvam̃sa et que Fa-hian en parle au commencement du ve siècle de notre ère. Ce qui doit l’être beaucoup moins, c’est l’interprétation que des Buddhistes très-clairvoyants ont donnée des lignes ou des aspérités qu’ils remarquaient sur la surface de ce singulier objet d’adoration. Il nous est, quant à présent, impossible d’en déterminer la date d’une manière même approximative ; une connaissance plus approfondie des livres faisant autorité pour les peuples chez lesquels a cours cette superstition, pourrait seule donner le moyen de résoudre ce problème, qui n’aura jamais qu’un intérêt secondaire.

  1. Hodgson, dans Asiat. Res. t. XVI, p. 460, note 8.