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APPENDICE. — N° VIII.

venir de quelque trait individuel ; c’est uniquement l’exagération d’un de ces caractères sans importance que les compilateurs buddhistes, si minutieux en toutes choses, se sont complu à rassembler[1].

On le voit, plus nous avançons dans cet examen, plus toute trace d’individualité disparait. Nous n’en trouvons pas davantage dans des caractères aussi vagues et aussi peu personnels que les suivants : l’excellence du sens du goût, la perfection de l’ouïe, celle des organes de la connaissance, la pureté de la conduite, la bienveillance de l’extérieur, l’éclat répandu autour, de la personne, le sourire du regard, le parfum qui s’exhale de la bouche, la faculté de retenir la respiration, l’avantage de posséder sur diverses parties du corps la figure de quelques signes de bonheur. Il y a ici un mélange confus de caractères de plusieurs ordres, les uns physiques, et ils sont trop généraux pour rien prouver ; les autres moraux, et ils sont trop abstraits pour laisser des marques parfaitement visibles ; les autres enfin tout à fait imaginaires, et le moindre inconvénient qu’ils aient est de faire douter de la réalité de ceux auxquels on les trouve mêlés. Je ne suis certainement pas assez sceptique pour nier que le fondateur du Buddhisme ait pu porter sur sa personne quelques-unes de ces marques extérieures qui sont comme le noble reflet de la pureté de l’âme ; tout exagérés que sont les témoignages des descriptions légendaires, il est peu probable qu’ils soient entièrement faux, car les représentations figurées les confirment en plusieurs points. Il est vrai que dans le climat où nous vivons, l’homme physique se montre si peu à découvert, qu’il nous, est difficile d’apprécier l’effet que doit produire chez d’autres hommes moins vêtus la dignité du port, l’élégance de la démarche, le mouvement harmonieux de tous les membres, et par-dessus tout l’expression de ce visage que Milton a défini par ces mots sublimes : human face divine. Mais les légendes buddhiques nous avertissent de nous transporter sous un autre ciel et dans un autre milieu. Elles ne cessent de célébrer cette décence qui respirait dans toute la personne de Câkyamuni ; assis ou marchant, couché ou debout, il est pour ceux qui l’entourent un perpétuel sujet d’admiration et de respect ; et quand il retrouve, après plusieurs années, des disciples que l’insuffisance de ses premières leçons avait d’abord éloignés, il les étonne par la dignité de son aspect, et il lui suffit de faire quelques pas à leur rencontre pour les subjuguer par sa beauté que la vertu et l’intelligence semblent illuminer d’une splendeur surnaturelle, il y a certainement là une action du moral sur le physique qui a dû être exagérée par la superstition ; mais je le répète, §i nous sommes peu disposés à reconnaître la puissance d’une telle action, ce n’est pas une raison pour la nier absolument. Dans ces limites et sous ces réserves, j’accorderai quelque confiance à la partie morale de la description que les Buddhistes donnent de leur sage. Cependant il me sera toujours bien difficile de croire que cette description prise dans son ensemble, et que les statues qui en reproduisent quelques traits, soient l’image traditionnelle du personnage auquel l’attribuent ses adorateurs.

  1. On connaît dans l’antiquité une description analogue des nerfs (et rectos et transversos nervos) d’un gladiateur dont parle Varron, et d’après lui Pline. (Pline, Hist. nat. VII, 19, trad. de Littré, t. I, p. 292.) Cette description n’est pas beaucoup plus claire que celle que les Buddhistes donnent des mains du Buddha ; cependant les mots rectos et transversos semblent indiquer une sorte de réseau.