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APPENDICE. — N° VIII.

vement réel dans cette partie de la description du Buddha ; je suis cependant porté à croire que la protubérance du crâne et la frisure des cheveux ont pu avoir leur origine dans la réalité. On les trouve invariablement réunies sur les statues jusqu’ici connues des Buddhas, tandis que le cercle de poils placé entre les sourcils n’est pas reproduit avec la même constance. En preuve de l’exactitude de cette observation, je citerai le recueil de planches représentant diverses images de Buddha trouvées dans les cavernes de l’ouest de l’Inde ; elles ont été publiées récemment par M. Bird, dans un ouvrage qui est encore peu connu en Europe[1]. Sur ces images la protubérance du vertex et la frisure des cheveux sont rendues avec l’exagération ordinaire ; mais le cercle de poils est absent sur toutes. Il se peut donc que ce dernier caractère n’ait jamais existé que dans l’imagination des dévots buddhistes. Le rôle surnaturel qu’il joue dans les livres du Nord tend même plutôt à confirmer qu’à détruire cette supposition. On sait que c’est du milieu de ce cercle de poils brillants comme l’argent ou la neige que partent les rayons merveilleux qui vont éclairer les plus lointains univers et leur annoncer l’intervention supérieure du Buddha. Cette conception fantastique nous jette dans le monde des miracles, et dès lors le caractère fabuleux de l’effet peut remonter jusqu’à la cause qui passe pour l’avoir produit. Ainsi, quoiqu’il se puisse que par suite d’un jeu de la nature, Çâkyamuni ait porté entre les deux sourcils quelque trace d’un duvet fin et blanc que ses disciples avaient remarqué, je ne puis cependant placer ce caractère sur le même rang que ceux qui précèdent, et je trouve même quelques bonnes raisons pour en suspecter la réalité.

J’en dirai autant, et avec plus de raison encore, du son de la voix du Buddha, que l’on compare avec celle de Brahmâ, et avec le bruit du nuage ou le cri de l’éléphant. Je laisse de côté la voix de Brahmâ, c’est un écho de la mythologie brahmanique ; mais les autres termes de comparaison, quoique pouvant avoir été choisis par l’effet d’une observation directe, nous apprennent uniquement que le Buddha avait une voix profonde, c’est-à-dire qu’ils nous ramènent aux attributs généraux du type indien que je signalais tout à l’heure. Tout le monde sait que le mérite d’une voix grave et profonde, d’une élocution lente et solennelle est célébré dans les anciennes compositions brahmaniques, et des observateurs attentifs l’ont retrouvé chez les populations modernes. Ici encore nous sommes conduits à penser que ce caractère n’a rien de personnel.

Le dernier attribut, celui qui est fondé sur la régularité des lignes de la main et des pieds lesquelles se croisent en manière de réseau, est quelque chose de si fugace, qu’il est bien difficile de lui reconnaître la valeur d’un caractère individuel. Il ne pourrait avoir quelque poids que s’il eût été assez exagéré pour attirer vivement l’attention. Les mains potelées des personnes grasses doivent l’offrir à des degrés divers, et la régularité des lignes doit tenir ici à celle des mains mêmes. Ces lignes, qui se multiplient et se creusent davantage à mesure qu’on avance en âge, semblent d’ailleurs un caractère qui n’est pas en parfaite harmonie avec celui de la plénitude des membres qu’on attribue au Buddha et qui est propre à la jeunesse. Aussi ne puis-je trouver ici, pas plus que pour la voix, le sou-

  1. J. Bird, Histor. Res. on the origin and principles of the Bauddha and Jaina Religions, etc. Bombay, 1847, in-folio.