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APPENDICE. — N° VIII.

d’avoir les cheveux égaux. » Je ne pense pas qu’il soit ici question d’une disposition artificielle, ni comme je l’ai conjecturé au no 74, d’une disposition générale de la masse de la chevelure répartie des deux côtés de la tête. Ce caractère ne paraît ni dans le Vocabulaire pentaglotte, ni dans la liste népâlaise. Je trouve seulement dans la première de ces deux listes, sous le no 76, un attribut que l’on ne peut éloigner beaucoup de celui que nous examinons, çlakchṇakêçaḥ, « Il a les cheveux fins, » caractère qui paraît aussi dans la liste singhalaise, sous le no 76, saṇhakêsatâ, « La qualité d’avoir les cheveux fins. » La finesse des cheveux est un attribut dont ne parlent ni le Lalita ni la liste népâlaise, et c’est un des traits de différence qui distinguent les unes des autres nos quatre listes qui sont en grand désaccord sur le caractère des cheveux. À cet attribut la liste singhalaise en joint un autre sous le no 75, siniddhakêsatâ, « La qualité d’avoir les cheveux lisses. » On comprend que ce mérite soit un accessoire des cheveux fins ; il n’en est cependant pas parlé ailleurs que dans le Dharma pradîpikâ singhalais, sans doute à cause de son peu d’importance.


79. Sam̃kutchitakêçaḥ ; H75 guhyakêçatâ. Ce caractère signifie, « Il a les cheveux bouclés ; » car c’est seulement ainsi que je puis entendre le mot sam̃kutchita, dont le sens propre est « ramassé, resserré ensemble. » Il me paraît évident que cet attribut exprime cette apparence des cheveux réunis en boucles régulières qu’on remarque sur les statues et les images du Buddha Çâkyamuni, et qu’on a prise longtemps pour la représentation d’une chevelure crépue. Ce qui m’étonne, c’est que les Tibétains aient pu voir ici des cheveux nattés[1] ; on a peine à comprendre comment des interprètes qui devaient avoir sans cesse sous les yeux des statues et des images du Buddha, et auxquels aucune particularité de sa personne mortelle n’avait pu rester inconnue, aient cru devoir renoncer au témoignage de leurs propres yeux pour appeler nattée une chevelure bouclée. Cette divergence entre leur traduction et la réalité est d’autant plus singulière, que pour arriver à ce sens il leur a fallu méconnaître la tradition buddhique la mieux accréditée, tradition selon laquelle le jeune Siddhârtha coupa la mèche de cheveux qui couronnait sa tête, au moment ou il embrassait la vie religieuse, et s’ôta ainsi le moyen de pouvoir désormais natter ses cheveux. Ajoutons qu’en attribuant des cheveux nattés à leur grand homme, ils lui donneraient tout simplement la coiffure de ses adversaires religieux, de ces Brâhmanes djaṭilas ou à la chevelure nattée, comme les nomment toutes les légendes. Le Vocabulaire pentaglotte, pas plus que la liste singhalaise, ne reproduisent cet attribut qui est cependant essentiel, et c’est seulement par conjecture que j’en rapproche l’énoncé de la liste népâlaise, lequel est par lui-même obscur. Je n’ai même d’autre moyen d’entendre guhyakêçatâ qu’en supposant que cette leçon a été introduite par erreur pour guḍâkêçatâ, « la qualité d’avoir les cheveux réunis en forme de boules ; » ainsi que Lassen propose d’expliquer cette épithète, qui dans la littérature épique des Indiens désigne, comme on sait, le guerrier Ardjuna[2]. Dans cette hypothèse, le héros religieux des Buddhistes porterait un titre illustré déjà par un des guerriers les plus célèbres de l’Inde ancienne ; d’où

  1. Rgya tch’er rol pa, t. II, p. 110.
  2. Bhagavad gîtâ, p. 265, éd. Lassen. 846.