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APPENDICE. — N° VIII.

« Si au contraire il sort de la maison pour se faire mendiant, alors il devient Arhat, parfaitement et complètement Buddha, n’ayant que du dégoût pour le monde. »

Il est impossible de méconnaître l’identité fondamentale de ces deux exposés ; il est évident qu’ils partent tous deux d’un même original. Les différences de rédaction que l’on remarque entre la formule sanscrite et la formule pâlie s’expliquent aisément par la différence des temps et des lieux ; elles ne portent pas d’ailleurs sur des points importants. Si même nous possédions des manuscrits plus anciens, il est quelques-unes de ces différences dont on pourrait découvrir directement l’origine. Passons-les rapidement en revue. Dans la rédaction sanscrite, parmi les épithètes du roi Tchakravartin, nous trouvons le titre de tchaturagga, auquel on ne peut guère assigner d’autre sens que celui de « ayant les quatre corps d’armée. » Dans la rédaction pâlie, au contraire, on lit tchâtaranta, mot où l’allongement de la voyelle, marque de dérivation, semble annoncer un adjectif d’une composition plus perfectionnée que le tchaturagga sanscrit ; littéralement cette épithète signifie seulement ceci : « celui qui a les quatre extrémités, » c’est-à-dire, comme le disent les Brahmanes avec d’autres mots, « celui qui est vainqueur de l’univers jusqu’aux quatre coins de l’horizon. » Les deux expressions ne sont pas grandement éloignées l’une de l’autre ; car il faut que le monarque souverain soit à la tête d’une armée composée, selon les idées indiennes, de quatre corps de troupes, pour porter la victoire jusqu’aux limites de l’univers. Eh bien, je ne doute pas que cette différence elle-même ne disparût dans quelqu’une de ces anciennes écritures que ia sagacité de J. Prinsep a si heureusement déchiffrées. Si le lecteur exercé veut bien se remettre sous les yeux la forme du t et celle du gf dans les inscriptions de Piyadasi et dans celles des cavernes de l’ouest de l’Inde, il reconaîtra qu’il n’y a rien de si facile à confondre que ces deux consonnes, surtout lorsqu’elles forment la seconde partie d’un groupe. On a donc pu lire très-facilement tchâtaranta pour tchaturagga, et réciproquement. Quant à moi, je crois que la leçon la meilleure et la plus authentique doit être celle de tchaturagga.

Dans la rédaction sanscrite nous ne voyons pas de trace de cette épithète curieuse de djanapadatthâvariyappatta, qui veut dire littéralement, « qui a acquis la propriété immobilière des campagnes. « Serait-ce que cette, épithète aurait été ajoutée plus tard, à Ceylan peut-être, et sous l’influence d’un système qui attribuait aux rois la propriété exclusive des terres ?

Parmi les épithètes des mille fils du monarque souverain, nous trouvons dans, la rédaction sanscrite vîrânâm varâggarâpinâm, « héros, ayant une formé et des membres parfaits,» et dans la rédaction pâlie, vîraggarûpâ, « ayant la forme et les membres des héros. » Il est bien évident que ces deux leçons sortent l’une de l’autre, soit par développement, soit par contraction. La seconde supposition me paraît la plus vraisemblable, et j’aime mieux croire que vîraggarûpâ est une contraction plus ou moins factice de vîrâ varâggarâpinah, que d’admettre que cette seconde leçon s’est développée postérieurement à la première.

Enfin la dernière et peut-être la plus singulière des différences que présentent nos deux textes, c’est que la version pâlie a tchhadda au lieu de tchhanda, c’est-à-dire vomissement