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APPENDICE. — N° VIII.

tion qui est tout à fait conforme au génie antique, signifie : « Quand la rétribution des œuvres, ô Religieux, amène un résultat favorable, l’homme conserve les parties de son corps telles qu’elles étaient auparavant, qu’elles fussent longues ou courtes, pleines ou « maigres, larges ou étroites ; » c’est-à-dire que, quand après une vie de bonnes œuvres l’homme passe dans une autre existence pour y être récompensé, il y conserve son corps tel qu’il était auparavant. Le seul mot qui me laisse des doutes est mandâni, que je ne suis pas sûr de bien lire, et que je traduis comme l’opposé de puthulâni.

20. Njagrôdhaparimandalah ; V21 nyagrôdhaparimandala ; H22 nyagrôdhapanmandalatâ ; Lc15, L19, M18, D19 nigrôdhaparimandalô. Ce caractère signifie littéralement : « Il a la taille d’un Nyagrôdha ; » mais comme le sanscrit nyagrôdha signifie à la fois brasse et figuier (le ficus Indica), on n’aperçoit pas du premier coup ce que les Buddhistes ont voulu exprimer par ce caractère. Les Tibétains, qui l’appliquent à la taille de l’homme supérieur, y voient le nom du figuier indien, et traduisent : « il a le cpïps arrondi comme la tige du nyagrôdha. » Toute idée d’arbre a disparu de la traduction que proposait, il y a déjà longtemps, A. Remusat, « majesté pleine et suffisante ; » mais cette idée reparaît dans les versions mongoles et mantchoues, « corps tranquille et majestueux comme l’arbre Nyagrôdha[1]. » Cette dernière traduction est, à proprement parler, un commentaire ; elle nous montre cependant que les Mongols sont d’accord avec les Tibétains pour entendre par le mot de nyagrôdha l’arbre si commun dans l’Inde, et que nos botanistes appellent ficus Indica. C’est à cette opinion que je crois également devoir m’arrêter ; mais sans rien préciser positivement sur les caractères à l’aide desquels on peut assimiler la taille d’un homme au figuier dit nyagrôdha, je crois cependant nécessaire d’ajouter le mot de tige ; car c’est sur la rondeur, ou la direction parfaitement droite de cette tige, que doit reposer l’assimilation exprimée ici. Je traduis donc : « il a la taille comme [la tige de] l’arbre Nyagrâdha. « D’un autre côté, les Buddhistes singhalais préfèrent donner à nyagrôdha la signification de brasse, comme on peut le voir par la glose que reproduisent trois de nos listes : âvatakvassa kdyô tâvatakvassa vyâmô yâvatakvassa vyârriô tàvatakvassa kâyô. « Quel est son corps, telle est une brasse ; quelle est une brasse, tel est son corps. » Voilà une définition qui nous donne une idée suffisante du volume d’un homme éminent, selon les idées buddhiques, et aussi selon les idées indiennes qui comptent l’ampleur de la taille parmi les mérites d’un souverain. La traduction d’A. Rémusat, dont je ne puis d’ailleurs garantir l’exactitude, ne parle ni de volume, comme les Singhalais, ni de rondeur, comme les Tibétains ; mais cette idée de « majesté pleine et suffisante » nous rapproche cependant un peu de l’interprétation des Buddhistes du Sud, puisque chez les Indiens l’ampleur de la taille est un des signes essentiels de la majesté. Je dois cependant avertir que ce caractère ainsi entendu ne se retrouve pas sur les statues ou représentations figurées des Buddhas qui nous sont actuellement connues ; ces statues les représentent avec une taille droite, et très-mince. Le seul moyen qu’on aurait de concilier la définition des Singhalais avec les représentations de l’art, serait d’admettre que cette circonférence d’une brasse est

  1. Mélanges asiat. t. I, p. 169.