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APPENDICE. — N° VIII.

crâne ? c’est là un point que je ne me chargerais pas de décider aujourd’hui, quoique la vraisemblance soit en faveur de la seconde supposition. Faut-il au contraire, avec M. Rémusat, réunir en un seul tes deux caractères, et admettre que uchṇîcha désigne à la fois et la chevelure ramassée en nœud, et la protubérance qui couronne le crâne ? j’avoue que cela me paraît bien difficile, et que rien à mes yeux n’autorise cette extension du sens attribué au terme indien primitif.

Sur les statues barmanes et singhalaises, telles que nous les représentent les voyageurs anglais, les cheveux frisés en boucles parfaitement régulières paraissent trop courts pour autoriser la supposition qu’on aurait pu les rassembler en nœud sur le sommet de la tête. Or comme ces statues sont couronnées par une éminence très-reconnaissable, cette éminence doit donc appartenir au crâne même. Sur les représentations coloriées des Buddhas népalais, dont M. Hodgson a eu la bonté de m’envoyer quelques spécimens exécutés avec un grand soin dans les détails, le caractère qui nous occupe paraît exagéré et eu quelque façon doublé. La chevelure d’un noir bleu couvre exactement la tête, et descend symétriquement des deux côtés jusqu’aux oreilles. La tête est couronnée d’abord d’une espèce de calotte assez haute qui en occupe la partie supérieure ; cette calotte, noire comme le reste de la chevelure, est, selon toute apparence, l’effet exagéré d’un renflement du crâne ; je ne crois pas qu’on y puisse voir un produit de la chevelure qui serait réunie et tournée en rond. Enfin au sommet et dans la partie centrale de cette calotte paraît un demi-cercle destiné à soutenir ou plutôt à accompagner une boule.qui se termine par en haut en une forme un peu ovale, et qui doit figurer une flamme. Le demi-cercle et la boule sont l’un et l’autre de couleur d’or. Cette flamme, qui semble être la représentation de l’intelligence plus qu’humaine attribuée à un Buddha, paraît également sur un bon nombre de statues singhalaises où elle a la.figure d’une sorte de lyre ou de trident à divisions très-rapprochées l’une de l’autre. Elle prend quelquefois même des proportions assez considérables ; et Joinville nous apprend que sur les grandes statues de dix-huit coudées qu’on rencontre assez souvent dans les Vihâras singhalais, elle n’a pas moins.de trois pieds deux ou trois pouces anglais[1].

Il est facile de reconnaître ici un type façonné et exagéré d’après des idées conventionnelles ; on peut même déterminer en partie du moins ce que ce type essentiellement arbitraire a dû ajouter à la nature ; la flamme est certainement une de ces additions. Je suis même convaincu que cette dernière est assez moderne, car je ne la remarque pas sur la tête des statues ou représentations de Çâkyamuni qu’on a découvertes de nos jours dans les cavernes de l’ouest de l’Inde. Il faut en effet tenir compte de la distance considérable qui nous sépare de l’époque où l’on a pour la première fois tracé l’image du Buddha ; et ce serait sans doute trop accorder au sentiment de respect avec lequel les Buddhistes ont dû conserver la tradition de cette première image, que de croire que nous l’avons actuellement sous les yeux. Il suffit de l’examen le plus rapide pour se convaincre que la plupart des traits propres à caractériser un personnage réel se sont effacés sous les efforts

  1. Joinville, On the Relig. and Manners of the people of Ceylon, dans Asiat. Res. t. VII, p. 424, éd. Calcutta.