Page:Burnouf - Lotus de la bonne loi.djvu/597

Cette page n’a pas encore été corrigée
556
APPENDICE. — N° VIII.

ne soit pas exempt d’erreurs, et d’erreurs quelquefois assez graves, la variété et l’abondance des matériaux qu’il renferme en rachètent en partie les imperfections.

Après ces observations, le lecteur sera moins surpris de me voir critiquer si fréquemment les phrases sanscrites du Vocabulaire pentaglotte, quoique je continue de reconnaître que c’est ce recueil qui donna le premier aux orientalistes le moyen d’étudier ce que les sectateurs du Buddha Çâkyamuni ont entendu exprimer anciennement par les signes caractéristiques d’un grand homme, et spécialement d’un monarque souverain et d’un Buddha. Longtemps après la publication qu’A. Rémusat avait faite de ces signes, d’après cette compilation trop souvent fautive, M. Hodgson en donna : de nouveau la liste en caractères dévanâgaris ; il l’avait empruntée à un ouvrage découvert par lui au Népal et intitulé Dharma saggraha, sorte de catalogue raisonné de la terminologie religieuse et philosophique des Buddhistes népalais. Cette liste fut insérée par M. Hodgson dans deux recueils anglais, le Journal de la Société asiatique de Londres[1], et plus tard dans le Journal de la Société asiatique du Bengale[2]. C’est à ces deux recueils que j’emprunterai les termes dont je vais m’occuper tout à l’heure.

Les trente-deux caractères de beauté sont encore énumérés par le Lalita vistara, ouvrage dont nous possédons à Paris plusieurs exemplaires manuscrits, sans compter la version tibétaine, dont M. Foucaux a publié récemment une traduction française. Cette circonstance est intéressante pour la question qui nous occupe. Elle nous prouve que la liste en question est admise par les livres canoniques eux-mêmes, qu’elle en partage l’autorité, qu’elle est conséquemment plus qu’une de ces énumérations populaires qu’on rencontre dans quelques parties de la littérature brahmanique, sans en pouvoir retrouver l’origine ni en vérifier rigoureusement l’authenticité. On verra par les observations qui vont suivre le genre de secours que m’a fourni l’étude de l’énumération que j’ai empruntée au chapitre VII du Lalita vistara[3].

Ce n’est pas tout encore : à ces documents que nous devons aux Buddhistes népalais et tibétains, il nous est possible d’en joindre d’aussi nombreux et de non moins authentiques, puisés aux sources singhalaises. Ce fait est déjà par lui-même très-digne d’attention ; il nous apprend qu’il n’existe parmi les Buddhistes de toutes les écoles, parmi ceux du Nord comme parmi ceux du Sud, qu’une seule et même manière d’envisager les caractères physiques du fondateur et du chef de la doctrine. S’il se présente quelques différences dans les descriptions des Buddhistes de Ceylan, comparées avec celles des Buddhistes du Népal, il nous faudra sans doute en tenir compte, et les apprécier, s’il se peut, à leur véritable valeur. Mais si ces deux ordres de descriptions s’accordent complètement, pu seulement dans leurs traits vraiment caractéristiques, il en devra résulter que le type physique du Buddha n’a pas été tracé arbitrairement, au Nord sur le modèle de.la nature tibétaine, au Sud sur celui de la nature singhalaise ; mais que les Buddhistes tibétains, comme les Singhalais, ont conservé le souvenir et la description d’un type unique, observé et repro-

  1. Journ. of the roy. asiat. Soc. of Great-Britain, t. II, p. 314 et suiv.
  2. Journ. as. Soc. of Bengal, t. V, p. 91.
  3. Lalita vistara, f. 61 a de mon manuscrit A, f. 58 a du manuscrit de la Soc. asiat. et Rgya tch’er rol pa, t. II, p. 107.