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APPENDICE. — N° VIII.

parce qu’elles ne possèdent aucun des traits qui caractérisent le nègre africain. Appliquée à la question spéciale qui doit seule nous occuper ici, celle des caractères physiques du Buddha, la solution générale donnée par J. G.Prichard nous autorise à dire que quelle que soit la race à laquelle ait appartenu Çâkyamuni, qu’il soit sorti d’une tribu ario-indienne pure ou d’une famille d’aborigènes, il ne doit pas plus dans un cas que dans l’autre être considéré comme un Africain.

Il ne m’appartient pas d’insister davantage sur le côté physique de la question, et je dois me hâter de reprendre le sujet spécial de cette note, qui est de montrer ce que nous apprennent les textes buddhiques sur ces deux énumérations des caractères extérieurs d’un Buddha dont l’ensemble monte à cent douze. J’ai dit tout à l’heure que c’est au Vocabulaire pentaglotte des Chinois que M. Rémusat les avait empruntés ; leur authenticité n’eut donc d’abord d’autre garantie que celle de ce recueil même. J’avouerai volontiers avec I. J. Schmidt que M. Rémusat s’exagéra quelquefois à ses propres yeux l’importance de ce recueil, et qu’il céda même, involontairement sans doute, à la tentation de faire croire qu’on y trouvait plus qu’il ne donne en réalité. Mais il faut être juste aussi et tenir compte des temps. et des faibles secours qui étaient alors entre les mains des érudits. Quelle ne devait pas être la satisfaction de M. Rémusat, lorsque convaincu comme il l’était de l’origine purement indienne du Buddhisme, il découvrait une liste considérable de termes sanscrits relatifs à cette doctrine, et restituait ainsi aux idées qu’il ne pouvait apercevoir qu’à travers une interprétation étrangère, leur forme et leur expression originales ! Personne alors ne pouvait pressentir les belles découvertes de M. Hodgson ; rien ne donnait lieu de prévoir que la plus grande partie des écritures buddhiques originales dût être un jour retrouvée en sanscrit et en pâli. L’obscurité où restaient encore ensevelis ces monuments littéraires faisait en réalité la plus grande partie de la valeur du Vocabulaire pentaglotte. Aujourd’hui qu’ils sont plus accessibles, cette valeur est, il faut le reconnaître, singulièrement diminuée. Le Vocabulaire pentaglotte n’est plus qu’une compilation moderne, exécutée dans la seconde moitié du dernier siècle[1], d’après des matériaux plus anciens ; et son autorité repose uniquement sur la plus ou moins grande conformité qu’il offre avec ces matériaux, dont la source, en ce qui regarde l’Inde, doit être cherchée plutôt dans les livres sanscrits du Népal, que dans les livres pâlis de Ceylan. Ajoutons que le copiste auquel est due la partie sanscrite de ce vocabulaire ignorait complètement non-seulement le sanscrit, mais même les règles les plus vulgaires de l’orthographe indienne, que même il n’est pas certain qu’il ait su lire parfaitement les listes originales qu’il était chargé de transcrire ; ou bien que s’il les a exactement lues, c’est jusqu’à ces listes elles-mêmes qu’il faut faire remonter le reproche de négligence et d’inexactitude.

La valeur du Vocabulaire pentaglotte est encore diminuée davantage par la connaissance que nous avons aujourd’hui du grand Dictionnaire sanscrit-tibétain buddhique, dont mon savant confrère, M. Stanislas Julien, a obtenu la communication de l’Académie de Saint-Pétersbourg, et dont M. Foucaux a exécuté une belle et exacte copie pour la Bibliothèque nationale. Ce recueil surpasse beaucoup en étendue le Vocabulaire pentaglotte ; et quoiqu’il

  1. Mélanges asiatiques, t. I, p. 154.