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APPENDICE. — N° VIII.

qu’il était permis d’accorder aux exposés de Deshauterayes, de Pallas et d’autres voyageurs, les orientalistes se trouvaient naturellement portés à chercher dans l’étude des caractères extérieurs qui distinguent ces statues, la solution des questions relatives à la race et à la patrie de celui dont elles représentent l’image. Mais nous pouvons déjà dire qu’ils eurent tort de s’en tenir uniquement à cet ordre de considérations, et que c’était trop se hâter que d’en conclure si vite que /le fondateur du Buddhisme appartenait à la race nègre[1].

Les premières objections qu’on fit contre cette hypothèse furent empruntées à l’ordre de considérations mêmes sur lesquelles elle s’était appuyée ; c’était à l’aide d’un caractère physique constaté sur les statues du Buddha qu’on avait cru pouvoir établir son origine africaine ; ce fut également par l’énumération des signes caractéristiques d’un Buddha qu’on répondit qu’il devait être Indien. On verra plus bas jusqu’à quel point il est possible de porter ici la précision, si l’on veut arriver à des conclusions qui puissent être acceptées par l’ethnographie. En ce moment il me suffit de rappeler comment on fut conduit à faire de l’étude des caractères physiques d’un Buddha une question de premier ordre, au début des recherches dont le Buddhisme était devenu l’objet dès le commencement de notre siècle.

Ce fut M. A. Rémusat qui insista avec le plus de force sur la nécessité de cette étude, et qui contribua le plus efficacement à ruiner l’hypothèse africaine dans son Mémoire sur les signes caractéristiques d’un Buddha[2]. Il avait trouvé ces signes dans le Vocabulaire pentaglotte buddhique, recueil de catégories ou de termes philosophiques et religieux, dont la base est un catalogue par ordre de matières conçu d’après le plan des lexiques indiens[3]. Il traduisit les deux sections de cet ouvrage, qui énumèrent les trente-deux signes caractéristiques d’un grand homme et les quatre-vingts signes secondaires ; puis analysant d’une manière habile un grand nombre des articles de cette double énumération, il s’efforça de montrer qu’aucun d’eux ne pouvait s’appliquer au type africain. Plus récemment la question vient d’être reprise, mais d’une manière plus générale, par un des ethnographes les plus accrédités le Dr  J. C. Prichard, qui dans une dissertation approfondie sur les diverses races de l’Inde, a définitivement démontré qu’aucune d’elles n’avait une origine africaine[4]. Ses conclusions méritent en ce point d’autant plus d’attention, qu’au commencement de ses recherches il inclinait vers ce sentiment, que les aborigènes de l’Inde étaient une race de nègres ou un. peuple caractérisé par une chevelure laineuse et par les traits que l’on rapporte généralement au type africain. Après un examen consciencieux des arguments qu’on pourrait faire valoir en faveur de cette hypothèse, il se décide formellement pour la négative. Selon lui, non-seulement la race indo-arienne pure ne peut en aucune façon être ramenée au type du nègre, mais ces tribus presque barbares elles-mêmes, qui dispersées dans les districts montagneux de l’Hindoustan, passent à bon droit pour les restes de la population primitive, ne peuvent davantage être ramenées à ce type,

  1. W. Jones, The third Discourse on the Hindus, dans Asiat. Res. t. I, p. 428, éd. Lond. in-8°.
  2. A. Rémusat. Mélanges asiatiques t. 1, p. 101 et suiv., 168 et suiv.
  3. Ibid. t. I, p. 164 ; Vocab. pentagl. sect. iii et iv.
  4. J. C. Prichard, Research, into the physic. Hist. of Mankind, t. IV, chap. X, sect. vii, § i, p. 228 et suiv. 3° édit. 1844.