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APPENDICE. — No V.

sont donc disposées dans un ordre analogue à celui des douze Nidânas, qui sont successivement effets et causes les uns des autres[1], et qu’on enlace entre eux de façon qu’un effet étant posé le premier, on indique à quelle cause il est dû ; puis on passe à un second effet, auquel on assigne pour cause le terme qui dans l’énoncé précédent était L’effet, et ainsi de suite, de façon que cet entrelacement devrait s’exprimer par la disposition suivante :

EFFETS. CAUSES.
B de A
C de B
D de C
E de D
F de E, et ainsi de suite jusqu’à douze

Les vérités sublimes ne comprenant que quatre termes, et l’entrelacement de ces termes n’étant pas indiqué, comme on l’a fait pour les Nidânas, on ne peut avoir deux séries, l’une des causes, l’autre des effets ; d’ailleurs ces quatre termes ne se développent, comme effets et causes l’un de l’autre, que de deux en deux, de cette manière : la douleur, [qui est l’effet de] la production, [qui est anéantie par] la cessation, [qui est obtenue par] la voie de l’anéantissement. Il n’en reste pas moins établi que les deux énumérations ont cela de commun, qu’elles commencent par l’effet, pour de là passer à la cause. Cette disposition est surtout frappante dans la série des quatre vérités. En général les Buddhistes ne procèdent pas autrement ; de l’effet qui les frappe, ils remontent à la cause qui leur est cachée ; et ce n’est que quand ils ont terminé dans ce sens leur recherche, avec une rigueur plus apparente que réelle, qu’ils redescendent en sens contraire de la cause à l’effet. Jusque dans l’énoncé de leurs thèses ils mettent à profit la faculté d’inversion que possèdent les langues indiennes ; et un commentateur, exposant le premier des Nidânas, avidjdjâpatchtchayâ sam̃khârâ, « les concepts sont le produit de l’ignorance, » le fait précéder de cette remarque : « De même qu’un homme voulant parler du père d’un individu, commence par nommer d’abord le fils, de cette manière, Tissassa pitâ, Sônassa pitâ, de Tissa le père, de Sôna le père, ainsi Bhagavat voulant énumérer les causes, commence par ce qui est le produit des causes, de cette façon, avidjdjdpatchichayâ sam̃khârâ[2]. »

Les quatre vérités sublimes sont donc, ainsi que j’ai essayé de le montrer, le point de départ à la fois et le résumé de la doctrine buddhique, puisque de la considération de la douleur, qui est la première vérité, on s’élève successivement jusqu’à la cessation de la douleur, qui est la troisième vérité, laquelle à son tour se rattache à la quatrième, qui est la voie la plus propre à conduire l’homme au terme désiré, la cessation même de la douleur. Cette doctrine, suivant M. Burney, a été résumée dans une stance qu’aucun Buddhiste n’ignore et que les Religieux ont perpétuellement à la bouche, soit au Népâl, soit à Ceylan ; je la reproduis ici sous trois formes, dont deux sont sanscrites, et une pâlie.

  1. Introd. à l’hist. du Buddh. indien, t. I, p. 485 et suiv.
  2. Nidânu vagga, f. 4 a.