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APPENDICE. — No V.

en trouverait-on le motif dans cette distribution particulière aux deux avant-dernières séries des termes nommés dhâtu, suivant laquelle les termes négatifs précèdent les tenues positifs. Quoi qu’il en puisse être de cette explication, le caractère général du dénominateur commun dhâtu ne peut être méconnu. On le traduira sans doute de diverses manières suivant la nature des objets auxquels on le trouve joint, tantôt par élément, tantôt par région, tantôt enfin par classe. Mais entre tous ces sens le plus général sera le meilleur ; ce sera celui qui ajoutera le moins au sens particulier des termes modifiés par dhâtu, puisqu’on pourrait énumérer ces termes en passant dhâtu sous silence, sans pour cela en altérer en rien le sens. C’est bien ce qu’entend l’auteur de l’Abhidharma kôça vyâkkyâ, quand il veut qu’on prenne dhâtu pour un synonyme de classe.

No V.
SUR LES QUATRE VÉRITÉS SUBLIMES.
(Ci-dessus, chap. i, f. 11 a, p. 332.)

La théorie des quatre vérités sublimes, âryâni satyâni, et en pâli ariyâni satchtchâni est une des plus anciennes doctrines du Buddhisme, une de celles qui reparaît le plus souvent dans les livres du Nord. On la trouve suffisamment développée dans le Lalita vistara[1]. Exprimées de la manière la plus précise, les quatre vérités sont : 1o  la douleur, condition nécessaire de toute existence ; 2o  la production de l’existence, causée par les passions ; 3o  la cessation des passions ; 4o  le moyen d’arriver à cette cessation. Le Mâhâvastu, l’un des livres les plus estimés des Buddhistes du Nord, en donne une énumération qui est presque mot pour mot celle du Lalita vistara[2]. Je ne la reproduis pas ici, parce qu’on peut la voir en quelque sorte traduite dans le Rgya tch’er rol pa de M. Foucaux ; je fais seulement la remarque que les deux énumérations sont identiques, parce que ce fait éclaire en un point l’authenticité du Lalita vistara. Car comme je suis intimement convaincu que le Mahâvastu est un livre antérieur au Lalita, l’identité de ces deux ouvrages sur ce point important est un argument de plus en faveur de l’opinion que j’ai exposée ailleurs sur la formation de la collection canonique du Nord[3].

Les quatre vérités sublimes paraissent au premier rang dans les exposés, même les moins développés, que nous possédons de la doctrine morale de Çâkya. Klaproth, dans son abrégé de la vie du dernier Buddha, ne pouvait les oublier[4] ; on les retrouve également dans un fragment d’une vie de Çâkya publié par lui d’après une traduction faite sur le mongol ; voici comment elles sont énoncées : « L’existence de l’état de misère est la première vérité ; la seconde est que cette misère immense répand son empire partout ; la délivrance finale de cette misère est la troisième ; enfin la quatrième est l’existence des obstacles infinis qui s’opposent à cette délivrance[5]. » Csoma de Cörös en donne, comme

  1. Rgya tch’er rol pa, t. II, p. 121, 392 et suiv.
  2. Mahâvastu, fol. 357 a.
  3. Introd. à l’hist. du Buddh. ind. t. I, p. 579 et suiv.
  4. Journ. Asiat. t. IV, p. 69.
  5. Table chronologique des Patriarches, etc. dans Nouv. Journ. Asiat. t. VII, p. 185.