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APPENDICE. — N° III.

pour avoir fondée, et qui se nommait d’après lui Mañdjapattan, n’existe plus aujourd’hui ; mais la tradition populaire en marque l’emplacement entre le mont Sambhu et la forêt de Paçupati, à peu près à moitié chemin, à un endroit où l’on trouve, en fouillant la terre, des restes de constructions[1]. Le souvenir de Mañdjuçrî reparaît encore dans le nom de la montagne de Çrimañdju, qui est citée par le Pañtchavim̃çatikâ, plusieurs fois allégué dans la présente note, et où se lisent ces paroles : « le Tchâitya de la montagne Çrimañdju élevé par ses disciples[2] ; » sur quoi M. Wilson ajoute, sans doute d’après M. Hodgson, que la montagne de Çrimañdju est la partie occidentale du mont Sambhu, lequel est détaché du Çrimañdju par une simple cavité, et non par une séparation véritable.

L’origine étrangère de Mañdjuçrî est également indiquée par la tradition populaire. M. Hodgson nous apprend que, suivant les Népalais, Mañdjuçrî naquit au nord du Népal, en un lieu nommé Pantcha çîrcha parvata, « la montagne aux cinq têtes, » dans le Mahâtchîna[3]. Ceci s’accorde avec la stance 24 du Pañtchavim̃çatîkâ, en ce qui regarde la montagne qu’on assigne pour lieu de naissance à Mañdjuçrî. Cette assertion repose également sur l’autorité du Svayambhû purâna cité tout à l’heure[4] ; elle donne peut-être l’explication de la tradition tibétaine et de cet énoncé si obscur de Csoma, qui fait naître Mañdjuçrî à la Chine, de l’arbre Triks’ha. Je ne saurais cependant dire si ces derniers mots sont une traduction imparfaite du mot çîrcha, « tête, » qui figure dans le nom de Pantchaçîrcha, « la montagne aux cinq têtes, » ou bien si « l’arbre Triks’ha » est une allusion au çirîcha indien, qui pour les botanistes est l’acacia sirisa. On pourrait s’étonner de voir dans le Mahâtchina dêça, c’est-à-dire dans la contrée des Mahâtchînas, une montagne qui porte un nom sanscrit ; mais si la tradition repose sur quelque chose de réel, il est probable qu’on aura traduit en sanscrit le nom indigène de la montagne aux cinq têtes, comme on avait déjà sanscritisé le nom des grands Tchînas et celui du Népâla.

Ici l’ethnographie vient prêter son appui à la légende, comme l’a fait tout à l’heure, dans une certaine mesure, l’examen géologique des lieux. Le lecteur aura remarqué que le récit du Svayambhû purâṇa, qui attribue à Mañdjuçrî l’écoulement des eaux remplissant le bassin de la Vagmatî, le représente en même temps comme l’introducteur de la population primitive du Népal. Cette population venait, ainsi que son chef, du pays des Mahâtchîtras ou de la grande Chine ; elle était donc très-probablement de race mongole. Or après de sérieuses études sur l’origine des populations himâlayennes, le juge le plus compétent dans ces matières, M. Hodgson, arrive à ce résultat, que le fonds premier des peuplades dispersées le long de la grande chaîne de l’Himalaya, appartient à celle des familles humaines qu’on appelle mongole. Il est curieux que la légende ait conservé aussi fidèlement le souvenir de l’origine véritable des Népalais. Mais ce qui s’y trouve de vérité ethnographique ne prouve rien pour la réalité de la partie historique du récit. De ce que

  1. Wilson, Notice, etc. p. 470 ; Hodgson, dans Journ. as. Soc. of Bengal, t. XII, 1re  part.  p. 408.
  2. Asiat. Res. t. XVI, p. 466, st. 21 et note 36 ; Journ. as. Soc. of Bengal, t. XII, 1re  part.  p. 407.
  3. Hodgson, Classific. of the Newars of Nepal, dans Journ. as. Soc. of Bengal, t. III, p. 216 ; Translat. of the Nâipâl. dêvat. kalyâṇ., dans Journ. as. Soc. of Bengal, t. XII, 1re  part.  p. 408.
  4. Hodgson, Transact. of the roy. asiat. Society of Great-Britain, t. II, p. 255.