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APPENDICE. — N° III.

étant venu de Sirsha avec ses disciples, sépara la montagne d’un coup de son cimeterre, et sur le lac du péché éleva une ville, agréable résidence des hommes qui honorent la divinité assise sur le Lotus élémentaire, vous être propice[1] ! » ou, selon la version de M. Hodgson : « Puisse Mañdjudêva, qui étant venu du mont Sirsha avec ses femmes et deux Dêvis, sépara la montagne du Sud avec son cimeterre, bâtit la ville de Mañdjupatan pour servir d’habitation agréable à la race humaine, et rendit un culte à la divinité assise sur le lotus, nous être propice à nous tous[2]. »

Examinons ces deux stances, non plus dans l’ordre où nous les présente le texte, mais dans celui des faits qu’elles rappellent d’une manière abrégée. Selon la stance 24, Mandjuçrî est un instituteur religieux, car il a des disciples ; il est vrai que, selon M. Hodgson, ses disciples sont des femmes, ce qui nous le montre sous un autre aspect. Il est étranger au Népâl, car il vient de Sirsha, ou plus exactement de Çîrcha, « la tête, » lieu que le Svayambhû purâṇa et le commentaire Newari du traité en vingt-cinq stances signalent comme une montagne de Mahâtchin, sans aucun doute Mahâtchîna, « le pays des grands Tchînas[3]. » Arrivé dans le Népâl, il rend à cette vallée le service de la débarrasser des eaux qui la couvraient ; il en facilite l’écoulement en fendant la montagne d’un coup de son cimeterre[4]. Suivant l’autre stance, Mañdjuçrî est encore un instituteur religieux qui rend sage l’ignorant Mañdjugartta ; mais par une singularité que je n’ai pas plus que M. Wilson le moyen d’expliquer, Mandjuçrî est ici invoqué sous la figure de son symbole, lequel, ainsi que je l’ai dit tout à l’heure, n’est plus le Tchâurî, mais Garttêça, « le seigneur de la cavité. » N’ayant pas sous les yeux le texte de cette stance obscure, je me garderai de toute conjecture hasardée. Si cependant Garttêça était non pas le symbole matériel de Mañdjuçrî, mais une de ses transformations ou seulement une de ses épithètes, la stance serait plus claire en ce qu’elle nous montrerait Mañdjuçrî Garttêça, « le seigneur de la cavité ou de la vallée, venant convertir le pays désigné figurativement, comme semble l’indiquer le commentaire, sous le nom de Mañdjugartta, « la vallée de Mañdju (Mañdjunâtha) ; » et par là serait corroborée la conjecture de M. Wilson, qui « au sage profond et savant » dont parle la stance, propose de substituer le mot de région[5].

J’ajouterai que le Svayambhû purâṇa, livre d’une autorité considérable chez les Népâlais, associe dans une tradition identique le double rôle de Mañdjuçrî, celui de civilisateur et celui d’instituteur des croyances buddhiques au Népâl. Voici un texte de ce livre dont on doit la connaissance à M. Hodgson : « Lorsque Mañdjunâtha eut fait écouler les eaux, la forme lumineuse de Buddha apparut. Mañdjunâtha résolut d’élever un temple au-dessus d’elle ; mais l’eau sortit de terre en bouillonnant avec tant de violence, qu’il ne put trouver le fond. Après qu’il eut eu recours à la prière, la déesse Guhyêçvarî lui apparut, et l’eau se retira[6]. » Cette déesse du mystère est, sous un autre nom, la Pradjñâ, c’est-à-

    Journal asiat. Soc. of Bengal, t. XII, 1re part.  p. 404.

  1. Notice, etc. dans Asiat. Res. t. XVI, p. 467.
  2. Journal of tha a. Soc. of Beng. t. XII, 1re part.  p. 408.
  3. Notice, etc. dans Asiat. Res. t. XVI, p. 470 ; Hodgson, Journal asiat. Soc. of Bengal, t. XII, 1re part.  p. 467.
  4. Notice, etc. dans Asiat. Res. t. XVI, p. 469.
  5. Ibid. p. 462, st. 11, note 19.
  6. Ibid. p. 460, note 7 ; Transact. Roy. Asiat. Soc.