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LE LOTUS DE LA BONNE LOI.

après la mort, sont nés dans les existences misérables, dans la mauvaise voie, dans un état de déchéance, dans l’enfer. Ces êtres-là, d’un autre côté, doués des bonnes œuvres qu’ils accomplissent en action, en parole, en pensée, qui n’injurient pas les Ariyas, qui suivent la bonne doctrine, qui agissent conformément à la bonne doctrine, ces êtres, les voilà qui après la dissolution du corps, après la mort, sont nés dans la bonne voie, dans le monde du ciel ; c’est ainsi qu’avec sa vue divine surpassant la vue humaine, il voit les êtres mourants, naissants, misérables ou éminents, beaux ou laids de couleur, marchants dans la bonne ou dans la mauvaise voie, suivant la destinée de leurs œuvres. De même, grand roi, que s’il se trouvait un palais élevé au milieu d’un carrefour[1], et que sur ce palais se tînt debout un homme doué de vue, et qu’il vît les gens entrants dans leurs maisons, ou en sortants, ou marchants sur la grande route et dans la rue, ou assis au milieu du carrefour, et qu’il fît cette réflexion : Voici des hommes qui entrent dans leur maison ; en voici qui en sortent ; en voici d’autres qui marchent sur la grande route et dans la rue, ceux-ci enfin sont assis au milieu du carrefour ; de la même manière, grand roi, le Religieux voyant son esprit ainsi recueilli, [etc. comme ci-dessus, jusqu’à] voit les êtres mourants, naissants, misérables ou éminents, beaux ou laids de couleur, marchants dans la bonne ou dans la mauvaise voie, suivant la destinée de leurs œuvres. * Cela même lui est compté comme sagesse. C’est là, grand roi, un résultat général et prévu qui est et plus éminent et plus précieux que les autres résultats généraux et prévus dont il a été parlé précédemment.

« Le Religieux voyant son esprit ainsi recueilli, [etc. comme ci-dessus, jusqu’à] arrivé à l’impassibilité, dirige son esprit, tourne son esprit vers la science [f. 55 a] de la destruction des souillures du vice ; il connaît telle qu’elle est la douleur, et il se dit : Voici la douleur ; ceci est la production de la douleur ; ceci est la cessation de la douleur [f. 20 a] ; ceci est le degré qui conduit à la destruction de la douleur[2] ; il connaît, telles qu’elles sont, les souillures du vice, et il se dit : Voici les souillures du vice ; ceci est la production des souillures du vice ; voici la cessation des souillures du vice ; voici la voie qui conduit à la cessation des souillures du vice. Quand il voit ainsi, quand il connaît ainsi, son esprit est délivré des souillures du désir, de celles de l’existence, de celles de l’ignorance. Une fois que son esprit est délivré, sa science est celle-ci : l’existence est épuisée [pour moi] ; les devoirs de la vie religieuse sont accomplis ; ce qui était à faire est fait ; il n’y a plus lieu à revenir ici-bas[3]. De même, grand roi, que s’il se trouvait dans une gorge de mon-

  1. Le texte écrit avec un gh, sim̃ghâṭaka, le mot que Wilson donne avec un ga, çrig̃gâṭaka.
  2. Le texte se sert d’une expression consacrée qui revient toujours chaque fois qu’il s’agit de cette notion, ayam̃ dukkha nirôdha gâminî paṭipadâ ; le terme de paṭipadâ est le sanscrit pratipat ; nous savons par Turnour qu’il est compris sous un autre terme plus général, celui de mârga, « la voie, » lequel désigne le chemin qui mène à la science supérieure. On voit qu’on peut traduire patipadâ par « les degrés » que l’on franchit quand on marche dans cette voie. D’un autre côté, patipadâ signifie également « place, situation, « dignité, » quand on envisage l’homme comme arrivé ou arrêté à un point qui est plus élevé qu’un autre point précédemment franchi.
  3. L’expression dont se sert le texte est nâparam̃ itthattâya, littéralement, « il n’y a plus autre chose pour l’état d’être ici, » ou « pour l’état d’être ainsi. » Le substantif abstrait itthatta, de ittha, « ici ou ainsi, » est très-fréquemment employé dans les textes pâlis pour désigner la condition de l’homme en ce monde. En parlant d’un Religieux qui, comme Çâkyamuni,