Page:Burnouf - Lotus de la bonne loi.djvu/513

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
472
APPENDICE. — No II.

dividu) avec l’esprit, il n’en saisit pas le signe, il n’en saisit pas le caractère. Voici le sujet de ses réflexions : Si l’organe de l’esprit (manindriya) n’est pas retenu, s’il se disperse de côté et d’autre, de violents désirs, le désespoir, le péché et les conditions coupables se répandront à sa suite. Alors il parvient à le contenir ; il le surveille ; il arrive à mettre un frein sur l’organe de l’esprit. Celui qui est doué de ce sublime empire sur ses sens, ressent un plaisir intérieur que rien ne peut altérer. C’est de cette manière, grand roi, que le Religieux ferme la porte de ses sens.

« Et de quelle manière, grand roi, le Religieux est-il doué de mémoire et de connaissance ? Ici-bas, grand roi, le Religieux garde sa connaissance, quand il s’avance vers quelqu’un, et quand on s’avance vers lui ; quand il regarde en avant et qu’il examine avec attention ; il la garde, quand il se ramasse sur lui-même et quand il s’allonge[1] ; quand il prend son manteau, son vase, son vêtement, quand il mange, quand il boit, quand il goûte, quand il se couche, quand il satisfait aux besoins naturels, quand il marche, quand il s’arrête, quand il s’assied, quand il dort, quand il se réveille, quand il parle, quand il garde le silence ; c’est de cette manière, grand roi, que le Religieux est doué de mémoire et de connaissance.

« Et comment, grand roi, le Religieux [f. 19 b] est-il satisfait ? Ici-bas, grand roi, le Religieux est satisfait du vêtement qui entoure son corps et de la portion de nourriture qui remplit son ventre. Le Religieux, en quelque endroit qu’il aille, y va ramassant toujours ; de la même manière, grand roi, que le faucon aux grandes ailes, quand il s’en va déchirant de côté et d’autre, le fait toujours en emportant ce qu’il a ramassé, de même, grand roi, le Religieux est satisfait du vêtement qui entoure son corps, et de la portion de nourriture qui remplit son ventre ; en quelque endroit qu’il aille, il y va ramassant toujours. C’est ainsi, grand roi, que le Religieux est satisfait.

« Le Religieux doué de cette masse sublime de vertus et de ce sublime empire sur ses sens, ainsi que de cette mémoire et de cette connaissance sublimes, et de cette sublime satisfaction, recherche un lit et un siége isolé, le désert, le tronc des arbres, le creux des rochers, les cavernes des montagnes, les cimetières, les clairières des bois, l’étendue du ciel, un tas de branchages. Revenu de la récolte des aumônes, il s’assied après le repas les jambes croisées, tenant son corps droit, rappelant devant lui sa mémoire. Alors ayant abandonné toute cupidité pour le monde, il reste avec son esprit libre de toute cupidité, il purifie son esprit de toute cupidité ; ayant renoncé au vice de méchanceté, il reste avec son esprit exempt du vice de méchanceté ; plein de miséricorde et de bonté pour toute créature et tout être, il purifie son esprit du vice de méchanceté. Ayant renoncé à la paresse et à l’indolence, il reste avec son esprit exempt de ces défauts. Ayant conscience de son regard, plein de mémoire, ayant toute sa connaissance, il purifie son esprit de l’indolence et de la paresse. Ayant renoncé à l’orgueil et aux mauvaises actions, il reste avec son esprit exempt de ces vices ; sentant au dedans de lui son esprit calme, il le purifie de l’orgueil et des mauvaises actions. Ayant renoncé au doute, il demeure affranchi de tous

  1. Le texte se sert des mots sammiñdjitê et pasâritê que j’ai examinés plus haut, f. 4 a, p. 305 et 306.