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NOTES.

la femme en général, ce que d’autres peuples appellent le sexe. L’expression est également connue des Buddhistes du Sud, et elle est traduite avec précision par le seul lexicographe de Ceylan qui soit à ma disposition : mâtugâma y est synonyme de femme[1]. Parmi les textes pâlis, encore en petit nombre, qui ont été publiés jusqu’ici, on peut consulter les Anecdota pâlica de Spiegel, où se trouve ce terme[2], mais imprimé fautivement avec un a bref, matu pour mâtu.

f. 111 b. Tous les êtres y naîtront par des métamorphoses miraculeuses.] Il faut bien qu’il en soit ainsi, puisqu’il ne doit pas exister de femmes dans ces univers. Le mot dont se sert le texte est âupapâduka, adjectif dérivé d’un substantif apapâda, que je ne trouve pas dans Wilson, mais qui doit signifier, selon toute apparence, « une naissance autre que le mode de reproduction naturel. » Wilson donne déjà l’adjectif upapâduka, qui entre autres significations a celle de démon, être surhumain. Clough indique, dans son Dictionnaire singhalais, un mot très-voisin de celui qui nous occupe, âupapâtika qu’il traduit ainsi, « Un être produit par le hasard, sans aucune cause créatrice, un être existant par lui-même[3]. » Or ce mot qui est régulièrement dérivé de upapâta, a son correspondant en pâli où ôpapâtika signifie, selon Turnour, apparitional birth, « naissance par apparition[4]. » Jusqu’à ce que quelque autorité décisive établisse positivement quelle est la meilleure de ces deux orthographes, âupapâduka et âupapâtika, je conserve, au moins pour les livres sanscrits du Nord, celle que donne le texte de notre Lotus. Outre qu’elle est uniformément confirmée par les trois manuscrits qui sont actuellement sous mes yeux, je la trouve encore dans le texte sanscrit du Vadjra tchtchhêdika. Ce terme, qui dans ce dernier livre, comme dans notre Lotus, est une épithète de sattvâḥ, « les êtres, » signifie, selon I. J. Schmidt, « qui est produit par le changement. » Mais le texte tibétain, ou plutôt le Dictionnaire de Csoma, fournit une interprétation plus précise, puisque l’expression tibétaine brdzus-te skyes-pa signifie « être produit par une transformation miraculeuse[5] ; » on peut donc admettre que âupapâduka signifie « venu au monde par un miracle. » Enfin ce qui me porte à croire que l’orthographe âupapâduka est préférable à celle de âupapâtika, en d’autres termes que ce mot vient par dérivation du radical pad et non de pat, c’est qu’il n’est pas rare de voir, dans les manuscrits pâlis, un d étymologiquement nécessaire remplacé par un t. Ainsi le mot uppâda, « naissance, » est souvent écrit uppâta par le copiste auquel est dû mon manuscrit du Dîgha nikâya[6] ; et ce qui laisse encore moins de doute, les noms propres brâhmaniques de Pôkhharasâdi et Yamadaggi, pour Pâuchkarasâdi et Djamadagni, sont souvent écrits Pôkkharasâti et Yamataggi[7]. J’aurai occasion de revenir sur ces deux derniers noms propres à la fin du no II de l’Appendice.

  1. Abhidh. ppadîp. l. II, chap. III, st. 5 ; Clough, p. 28.
  2. Anecdota pâlica, p. 62, l. 22.
  3. Singhal. Diction. t. II, p. 91.
  4. Turnour, Mahâwanso, introd. p. xxxiv et xxxv.
  5. Schmidt, Ueber das Mahâyâna, dans Mém. de l’Acad. des sciences de S. Pétersbourg, t. IV, p. 130 et 187 ; Csoma, Tibet. Diction. p. 121.
  6. Dîgha nikâya, f. 22 b, 2 fois.
  7. Ibid. f. 61 a.