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CHAPITRE VII.

f. 97 a.Au point qui est en haut.] J’avais cru pouvoir substituer le mot de en haut à celui de au-dessous (adhô) que donnent tous les manuscrits. Il me semblait que le seul point de l’espace où les Mahâbrahmâs n’eussent pas encore fait leur recherche, était le zénith, puisqu’il est dit positivement au f. 96 b, qu’ils se transportèrent adhô, c’est-à-dire au-dessous, ou au nadir. Mais l’accord des manuscrits qui sont unanimes en faveur de adhô, m’a engagé à examiner de plus près le texte ; et j’ai reconnu que puisqu’il s’agissait des Mahâbrahmâs placés au zénith, les seuls dont le voyage n’eût pas encore été décrit, il fallait de toute nécessité que ces Dieux descendissent pour venir voir le Buddha prêchant la loi. Il n’y a donc rien à changer au texte ; et je prie le lecteur de substituer à la phrase « étant parvenus au point qui est en haut » la version suivante : « étant parvenus au point qui est au-dessous d’eux. »

f. 97 b. Pour nous témoigner sa compassion.] Le texte se sert ici d’une locution, anukampâm upâdâya qui offrirait quelque difficulté, si l’on ne se rappelait l’observation judicieuse faite par Stenzler sur l’emploi spécial de quelques participes en tvâ et en ya, qui représentent de véritables adverbes[1]. Le participe adverbial upâdâya, qui littéralement interprété signifie ayant pris, employé, peut se traduire dans beaucoup de passages par à partir de, en partant de. Ainsi je trouve dans le Vinaya sûtra le texte suivant : Tchakrâdinyupâdâya rathâg̃gâni ratham̃ pradjñapyatê. « En partant des diverses parties d’un char, telles que les roues et autres, on a la notion d’un char[2]. » Il n’en est pas moins évident que le sens de cause se trouve dans ce participe, parce qu’il appartient à la même formation que le substantif upâdâna, « cause prochaine et immédiate. » J’en vois la preuve dans le passage suivant de l’Abhidharma kôça vyâkhyâ, où le commentateur voulant expliquer cette expression mahâbhûtâny upâdâya, ajoute ces paroles : Mahâbhûtahêtaka ityarthâḥ, yathêndhanam upâdâyâgnir bhavatîtyuktê indhanahêtukô ’gnir iti gamyatê. « Ayant pour cause les grands éléments ; « de même que quand on dit, Ayant pour cause le bois à brûler, le feu existe, on entend dire que le feu a pour origine le bois à brûler[3]. » De même avec une négation, anupâdâya se rencontre dans le sens de « n’ayant pas pris pour cause, sans l’emploi d’aucune cause. » Si nous revenons maintenant à la locution de notre texte, anukampâm upâdâyâ, nous reconnaîtrons qu’elle signifie littéralement « ayant pris pour cause, ou ayant employé la compassion, » ce qui revient exactement à dire, par compassion. Cette locution est également usitée avec ce même sens par les Buddhistes du Sud, anukampâm upâdâya, « par compassion[4]. » On trouve de même kalyânakamyatam upâdâya, « par un désir vertueux, par amour de la vertu[5]. » Dans le Kammavâkya, Spiegel traduit upâdâya par le latin inde a, et il allègue un passage du Mahâvam̃sa, où tad upâdâya signifie « d’après cela[6]. » Il ne serait sans doute pas impossible de trouver des textes où le sens fondamental de

  1. Stenzler, Kumâra sambhava, p. 129 ; Westergaard, Rad. sanscr. p. 267, r. diç.
  2. Vinaya sûtra, f. 158 b.
  3. Abhidharma kôça vyâkhyâ, f. 24 b, init. Add. f. 21 b. de mon man.
  4. Subha sutta, dans Dîgha nikâya, f. 49 a.
  5. Pâṭimôkkha, man. pâli-barman de la Bibl. nat. f. 20 a, et p. 178 de ma copie.
  6. Kammavâkya, p. 38 ; Mahâwanso, t. I, ch.xxiii, p. 141, l. 2.