Page:Burnouf - Lotus de la bonne loi.djvu/406

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
385
CHAPITRE VI.

que nous venons d’en voir une preuve, de lya, j’allais jusqu’à supposer que lya pouvait être le substitut de rya. Le commencement du mot uḍ me paraissait la transformation populaire de ud, de façon que je ramenais uḍilla à udirya et udîrya, qui pourrait avoir une signification analogue à celle de utsarga, « déjection. » Tout cela était sans doute fort hypothétique, mais je n’avais rien de mieux à proposer. Depuis j’ai pu consulter les deux manuscrits de M. Hodgson qui lisent également अपगतस्यन्दनिकागूथोडिगल्लम्, ce qui ajoute à la précision de l’idée qu’on a voulu exprimer par ce composé, car syandanikâ peut répondre au sanscrit syandinî et signifier « salive. » Quant au dernier mot udigalla, il ne m’est pas plus connu que uḍilla : j’incline à penser qu’il répond au sanscrit udgâra, « vomissement, » transformé d’après les lois des dialectes populaires. Les signes de cette transformation, sont l’insertion d’un i entre les deux consonnes dg, la substitution de à d, et l’abrègement de l’â long devant le groupe lla qui n’est sans doute ici que le remplaçant de lya.

Là ne paraîtra pas Mâra le pêcheur.] Je crains de n’avoir pas traduit assez exactement le texte qui est ainsi conçu : natcha tatra mâraḥ pâpîyân avatâram̃ lapsyatê. La difficulté roule sur le mot avatâra et la locution avatâram lapsyatê. Ce mot se présente dans un grand nombre de passages avec le sens de « occasion de surprendre » dans une mauvaise intention ; et c’est ainsi que j’ai cru pouvoir le traduire plus bas, chap. xxi, f. 210 a. Mais je crois que les Buddhistes, forçant un peu cette signification, ont vu dans avatâra une signification que ce mot n’a pas, au moins à ma connaissance, chez les Brahmanes, et qu’on pourrait tout au plus attribuer au mot avatârana, « possession par un mauvais génie, » lequel est dérivé de la forme causale de trĭ ; ce sens est celui de perte, destruction, que je trouve plus d’une fois dans le livre célèbre intitulé Achṭasahasrikâ pradjñâ pâramitâ. Ce livre, dans un passage où Çâkyamuni est représenté soutenant les attaques de Mâra, nous fournit le texte suivant : « Mâra le pêcheur ayant réuni l’armée de ses troupes formée de quatre corps, se rendit au lieu où se trouvait Bhagavat. Alors cette réflexion vint à l’esprit de Çakra, « l’Indra des Dêvas. Voilà Mâra le pêcheur qui ayant réuni l’armée de ses troupes formée « de quatre corps, s’est rendu au lieu où se trouve Bhagavat. La masse de l’armée de ces « troupes formée de quatre corps, que Mâra le pêcheur a ainsi réunie, rassemblée, est « bien supérieure à la masse de l’armée formée de quatre corps du roi Bimbisâra, à celle du roi Prasênadjit, à celle des Çâkchâtkrĭts, comme à celle des Litchtchhavis. Depuis « longtemps Mâra le pêcheur attend la perte de Bhagavat, recherche la perte de Bhagavat, « dîrgharâtram̃ mâraḥ pâpîyân Bhagavatô ’vatâraprêkchî avatâ­ragavêchî[1]. » Dans une autre partie de ce traité, Çâkyamuni signalant les avantages qui résultent de la connaissance de la Pradjñâ pâramitâ, s’exprime ainsi : « Les fils ou les filles de famille, dont des hommes ou des êtres n’appartenant pas à l’espèce humaine, attendent la perte, désirent la perte, ces êtres, ô Kâuçika, n’obtiendront pas leur perte ; tê ’pi téchâm̃ kâuçika avatâran na lapsyantê[2]. » Ici nous trouvons l’expression même du Lotus qui donne lieu à cette note, c’est-à-dire avatâra, employé avec le radical lalh, et nous la rencontrons encore au fol. 29 b et 34 a de la Pradjñâ pâramitâ, dans un passage qui a le même sens que ceux

  1. Achṭasahasrikâ pradjñâ pâramitâ, f. 49 b.
  2. Ibid. f. 48 a.