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NOTES.

au Népal et au Tibet vers le viie siècle de notre ère, on comprendra sans peine comment de apaçyanayâ a pu venir aparasya nayân ; car les lettres sont tellement surchargées de traits et d’angles dans le caractère Rañdjâ par exemple, que l’introduction d’un ra devant le groupe çya, changé en sya, et celle d’un n devant sarva, n’ont rien qui doive surprendre[1]. Une fois admise l’existence d’un mot comme apaçyanayâ, on traduira naturellement le texte de la Société asiatique, comme il suit : « Celui qui voit ainsi les lois profondes, voit avec absence de vue, (voit comme ne voyant pas ;) il voit la réunion des trois mondes tout entière, débarrassée des idées des êtres les uns à l’égard des autres. » Ce passage obscur s’éclaire, si je ne me trompe, de la comparaison qu’il en faut faire avec la fin de l’exposition versifiée. L’idée qui résulte de cette comparaison, c’est que celui qui voit les lois du monde créé, comme vient de le dire le Buddha, reconnaît leur caractère propre qui est l’identité de non-existence, ou suivant l’expression des Buddhistes, la ressemblance et l’égalité. Et quant à ce qu’on pourrait croire qu’il reste encore dans le monde quelque chose, savoir les pensées des divers êtres, cela même n’existe pas, et la réunion des trois mondes est vide dans son entier.

f. 77 b.St. 48. Il y a au dernier vers de cette stance un mot dont je ne comprends pas ici le sens, c’est celui de bhârgavaḥ, ainsi placé, kurvan bhândâni bhârgavaḥ. Le nom de « descendant de Bhrĭgu » n’a, que je sache, rien à faire ici ; mais le mot bhârgavaḥ devant, selon toute apparence, se rapporter au potier de terre, voudrait-il dire « celui qui fait cuire ou sécher des vases, » par une extension insolite du sens du radical bhrasdj, dont dérive bhrĭgu, puis bhârgava ?

f. 78 b.St. 67. À bien plus forte raison.] Le texte dit prâgêvânyam vidûratah ; cette expression prâgêva, pour signifier à plus forte raison, est fréquemment employée dans le sanscrit des livres buddhiques. En voici quelques exemples : Iyañtcha mahâpratidjñâ çakrabrahmâdînâmapi duchkarâ prâgeva manuchyabhûtânâm. « Et cette grande promesse est difficile à tenir même pour Çakra, Brahmâ et les autres Dêvas, à plus forte raison pour des hommes[2]. » Et plus bas : Yatrâmanuchyâḥ pralayam̃ gatchtchhanti prâgêva manuchyâḥ. « Là où des êtres n’appartenant pas à l’espèce humaine trouvent la mort, à bien plus forte raison des hommes[3]. « Cette locution, sous la forme pâlie de pagêva, n’est pas moins usitée chez les Buddhistes du Sud. Sumêdha, dans le Thûpa vam̃sa, apprend que le Buddha Dîpam̃kara réside non loin du pays où il habite lui-même, et il s’écrie : Buddhôti khôpanêsam̃ ghôsô dullabhô pagêva Buddhappâdô. « Buddha ! [la loi ! l’assemblée !] le nom seul de ces êtres se rencontre difficilement, à bien plus forte raison la naissance d’un Buddha[4]. » Voyez, pour cette dernière idée, ci-dessus, chap. ii, f. 24 a, p. 352.

f. 79 a.St. 75. Les cinq perfections accomplies.] Le texte dit pâramitâḥ, mais j’ignore pourquoi

  1. Hodgson, Notices of the languages, etc. dans Asiat.Res. t. XVI, p. 417, et les planches ; Remarks on an Inscr. etc. dans Journ. as. Soc. of Beng. t. IV, p. 197.
  2. Supriya, dans Divya avadâna, f. 51 b.
  3. ibid. f. 52 b.
  4. Djina alam̃kâra, f. 2 b et 3 a.