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CHAPITRE V.

f. 77 a.Il voit toutes les lois, celles de la cessation de la naissance, etc.] J’ai traduit ce passage de manière à donner, autant que cela est possible, quelque précision à une idée dont tous les termes sont à dessein présentés sous une forme négative ; mais comme je puis avoir ou manqué ou dépassé le but, je rapporte ici l’interprétation littérale du texte. « Il voit toutes les lois, non produites, non anéanties, non enchaînées, non affranchies, non obscures et ténébreuses, non claires. » La fin du passage est beaucoup plus confuse, et les manuscrits diffèrent ici considérablement les uns des autres. Le sens que j’avais adopté se fondait sur la combinaison du manuscrit de Londres avec celui de la Société asiatique de Paris. Depuis j’ai eu à ma disposition deux nouveaux manuscrits, ceux de M. Hodgson, qui se rapprochent en un point de celui de Londres ; et cependant un examen plus attentif du texte me fait douter de l’exactitude de ma première interprétation : après les mots « celui qui voit ainsi les lois profondes, » un manuscrit de M. Hodgson lit, स पश्यति अपरस्य नयान् सर्वत्रैधातुकपरिपूर्णामन्योन्यसत्त्वाशयविधियुक्तिं ; le second manuscrit donne la même leçon, avec les différences suivantes : le n final de nayân est uni au sa du mot suivant en un groupe ; paripûrṇam est lu paripâmâm, et yuktim̃ est remplacé par yaktam. Je n’ai plus sous les yeux le manuscrit de Londres, et je ne puis comparer la leçon qu’il donne à celle de mes manuscrits. Cependant c’est d’après un texte où je trouvais aparasya nayân, que j’avais traduit, « à la manière de l’aveugle, » littéralement, « à la manière de l’autre, » supposant que le n final de nayân était un t, lettre qui se confond à tout instant avec le n. Mais aujourd’hui l’accord des deux manuscrits de M. Hodgson rend cette supposition inadmissible ; et de plus il y a une raison grammaticale qui s’oppose à mon interprétation, c’est que même dans ce sanscrit altéré il faudrait nayêna. Je laisse au lecteur exercé le soin de décider si la leçon paripûrṇam ne doit pas être regardée comme une faute pour paripûrṇân, attribut de nayân, car rien n’est plus commun que la substitution des nasales dans nos manuscrits ; mais il me semble que, même avec cette correction, il ne serait pas facile de tirer un sens clair de ce passage : « Celui-là voit les directions d’un autre complètes dans tous les trois mondes, l’enchaînement et la règle des intentions mutuelles des êtres. » Encore pour trouver l’idée d’enchaînement faut-il lire yuktim, car la leçon yuktam̃ de l’autre manuscrit ne donnerait aucun sens.

Voilà pour les deux manuscrits de M. Hodgson ; quant au manuscrit de la Société asiatique de Paris, dont j’avais abandonné la leçon pour saisir une dernière allusion à la parabole de l’aveugle de naissance, il gagne, en dernière analyse, à être comparé aux autres manuscrits : voici comment il donne le texte : स पश्यति अपश्यनया स सर्वन्त्रैधातुकम्यध्रिपू­र्णामन्योन्यसत्त्वासयविमुक्तम्यश्यति. Il y a ici deux incorrections dont il est facile de se débarrasser ; la leçon pûrṇâm n’est pas admissible ; il faut de plus tenir compte de la complication des écritures au moyen desquelles ces livres ont dû être transcrits dans l’origine, surtout de celle de la lettre ṇa, qui par sa configuration tend à se confondre avec ṇâ ; de plus âsaya est pour âçaya. Ces deux points admis, le terme apaçyanayâ, que les autres manuscrits remplacent par aparasya nayân, peut bien passer pour l’instrumental d’un substantif abstrait apaçyanâ, « l’action de ne point voir, l’absence de vue, » dont la formation ne serait pas trop anormale pour le style du Lotus. En se reportant aux anciens alphabets indiens usités