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NOTES.

mencement de cette note, l’épithète de « qui n’est pas né » se rapporte non plus à l’état ou à la condition, mais à la patience. La différence au fond est plus apparente que réelle. Qu’importe en effet que l’on dise « une patience de conditions non encore produite, » ou bien « une patience de conditions non encore produites ; » il s’agit toujours, dans l’un comme dans l’autre cas, d’une patience qui ne doit trouver à s’exercer que dans un temps à venir. Si la patience n’est pas née, c’est que les circonstances dans lesquelles elle doit se produire, ne le sont pas encore ; et réciproquement, si les circonstances ne sont pas encore produites, la patience ne peut l’être non plus.

Le Lalita vistara définit, dans un passage voisin de celui qui précède, une autre sorte de patience dont la désignation offre avec celle dont il vient d’être question, une analogie qui pourrait tromper. Il paraît que le traducteur tibétain a cru cette seconde sorte de patience très-semblable à la première, car il l’a rendue par des termes analogues à ceux qu’il emploie pour représenter l’épithète d’anutpattika. Les deux formules sont cependant sensiblement différentes, ainsi qu’on va en juger. Voici le texte même du Lalita vistara : Anutpâda­kchântir....... nirôdhasâkchâtkriyâyâi sam̃vartatê[1]. M. Foucaux traduit d’après le tibétain : « La patience de ce qui n’est pas né.... conduit à mettre ouvertement obstacle [à la naissance[2]]. » On voit que les Tibétains ont rendu anutpâda par « ce qui n’est pas né, » à peu près comme ils avaient rendu anutpattika par « non encore produit ; » mais on ne sent pas assez que anutpâda est un substantif, et anutpattika un adjectif, ce qui, dans des formules presque sacramentelles, ne peut être indifférent. Pour moi, gardant au mot anutpâda sa valeur de substantif, je propose de l’entendre de « l’absence de naissance, » la non-naissance. Cette formule obscure de « la patience de la non-naissance, » paraît prise au cœur des doctrines les plus nihilistes du Buddhisme ; elle doit désigner « l’action de souffrir de ne pas naître, » c’est-à-dire, « l’action de supporter avec patience l’idée qu’on n’a pas à naître, ou plutôt à renaître. » Voilà pourquoi le Lalita vistara dit que cette sorte de patience « conduit à voir face à face la cessation, l’arrêt, l’anéantissement » de la naissance, comme l’ajoute M. Foucaux. La seconde formule du Lalita vistara devra donc se traduire ainsi littéralement : « La patience de l’absence de naissance… conduit à envisager face à face l’anéantissement. » Pour bien sentir la portée d’une telle définition, il faut se rappeler qu’elle était donnée en présence d’un système dont la transmigration était une des croyances fondamentales.

De l’anéantissement de l’ignorance vient celui des conceptions.] Ceci est le résumé de la théorie des Nidânas ou de l’évolution successive des douze causes considérées dans leur nirôdha, ou destruction. Il y est fait une allusion directe à la fin d’une des notes du Foe koue ki, où A. Rémusat rapporte un passage du Fa houa king, emprunté au chapitre des Comparaisons tirées des plantes[3]. Or le chapitre dont l’explication nous occupe en ce moment a en réalité le titre suivant : Les plantes médicinales.

  1. Lalita vistara, f. 23 a de mon man. A, et f. 19 a du man. de la Soc. asiat.
  2. Rgya tch’er rol pa, t. II, p. 42.
  3. Foe koue ki, p. 165 et 166.