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NOTES.

période à elle seule doit avoir dix mille ans[1]. Plus récemment Neumann a exposé, d’après les Chinois aussi, la théorie de ces trois périodes de la loi ; il leur donne les noms de « la complète, l’apparente et la dernière ; » la première doit durer cinq cents ans, la seconde mille, et la troisième trois mille[2].

Ces données s’accordent en général entre elles, sauf pour ce qui regarde la durée de chaque période. Les Mongols, selon I. J. Schmidt, attribuent à la loi du Buddha Çâkyamuni une durée totale de cinq mille ans[3] ; c’est exactement le nombre admis par les Buddhistes du Sud et spécialement par les Barmans, d’après lesquels Çâkyamuni aurait déterminé lui-même avant de mourir la durée de sa loi[4]. Une différence plus considérable se remarque entre ces exposés et celui des Tibétains dont nous devons la connaissance à M. Schiefner. Un texte traduit par lui du Gandjour nous apprend que Çâkyamuni avait prédit à sa doctrine une durée de deux mille ans, durée qu’il divisait en quatre périodes de cinq cents ans chacune, lesquelles répondaient à la décroissance successive de la loi. La dernière période était à son tour sous-divisée en deux parties, l’une de trois cents ans, l’autre de deux cents[5]. Cette prédiction de Çâkya était accompagnée du récit de la ruine complète du Buddhisme et de l’anéantissement du corps des Religieux, tant par suite de persécutions étrangères que par des dissensions intestines.

Il est aisé de reconnaître que cette division de la durée de la loi de Çâkyâ en périodes qui se distinguent les unes des autres par l’état plus ou moins florissant de cette loi, a un fondement réel dans l’histoire du Buddhisme indien. Elle représente sous une forme générale la tradition de son établissement, de sa durée, et des persécutions qui l’ont chassé de l’Inde. Les chiffres eux-mêmes, quelque peu rigoureux qu’ils puissent être, contrastent évidemment avec ceux par lesquels on exprime d’ordinaire la durée de la loi des Buddhas fabuleux antérieurs à Çâkyamuni. Il n’est plus question ici de ces périodes qui ne comptent que par grands et moyens Kalpas, ainsi qu’on le voit à tout instant dans le Lotus ; on sent au contraire qu’on est sur le terrain sinon de l’histoire positive, du moins de la tradition légendaire. Mais pousser plus loin la précision et chercher à marquer les moments vrais de ces périodes, c’est ce qui ne me paraît pas possible, du moins actuellement, il nous suffit d’interpréter cette tradition en ce sens que les Buddhistes, après avoir été expulsés de l’Inde, ont gardé le souvenir de l’époque où ils y avaient vu fleurir leur croyance, et que pour eux cette époque s’est naturellement divisée en périodes plus ou moins nombreuses, qui parlant de la mort du fondateur de la doctrine, se sont étendues jusqu’aux temps où elle touchait à son déclin, et se sont arrêtées au moment où elle était expulsée de sa terre natale. On comprend en outre, sans que j’y insiste beaucoup, la signification propre de textes comme celui qu’a traduit M. Schiefner. Ils prouvent évi-

  1. A. Rémusat, Observ. sur trois Mém. de de Guignes, dans Nouv. Journ. asiat. t. VII, p. 277.
  2. Neumann, dans Zeitschrift für die Kunde des Morgenl. t. III, p. 112, et Pilgerfahrten Buddh. Priest. p. 9, 15 et 19.
  3. Mém. de l’Acad. des sc. de S.-Pétersb. t. II, p. 81.
  4. Sangermano, Descript. of the Burm. Emp. p. 80, éd. W. Tandy ; Fr. Buchanan, On the relig. and liter. of the Burmas, dans Asiat. Researches, t. VI, p. 265 et 266, London, in-8o.
  5. Schiefner, Eine tibet. Lebensbeschreib. Çâkyamuni’s, p. 88.