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CHAPITRE PREMIER.

Où il ne reste aucune trace de l’agrégation [des éléments matériels]. J’ai essayé ailleurs d’expliquer cette expression difficile[1] ; je n’ai pas trouvé depuis de textes faits pour modifier ma première interprétation. Je citerai seulement ici deux nouveaux passages empruntés aux textes pâlis des Buddhistes de Ceylan, qui prouvent que cette expression ne leur est pas moins familière qu’aux Buddhistes du Nord. Dans un des Suttas du Dîgha nikâya on lit : Yañtcha rattim anupâdisêsâya nibbânadhâtuyâ parinibbâyati. « Et la nuit où il entre complètement dans l’élément du Nibbâna [Nirvâṇa], où il ne reste rien de l’agrégation[2]. » Dans le Thûpa vam̃sa cette expression est appliquée au dernier Buddha, et le passage où elle se trouve offre comme un résumé de sa mission en tant que Buddha : Sô Dîpamkarâdînam̃ tchatuvîsatiyâ Buddhânam̃ santikê laddhavyâkaraṇô samatim̃sapâramiyô pûrêtvâ paramâbhisambhôdhim̃ patvâ dhammatchakkappavattanalô paḷṭâya yâva subhadda­paribbâdjakavinayanâ sabbabuddha­kitchichâni niṭṭhapêtvâ anupâdisésâya nibbâna­dhâtayâ parinibbutô. « Ayant entendu la prédiction [qu’il serait un Buddha], de la bouche des vingt-quatre Buddhas dont Dîpam̃kara est le premier, après avoir entièrement accompli les trente perfections, ayant obtenu complètement la science suprême de la Bôdhi, après avoir rempli tous les devoirs d’un Buddha, depuis le moment où il fit tourner la roue de la loi, jusques et y compris la conversion du mendiant Subhadda, il entra complétement dans l’élément du Nibbâna où il ne reste rien de l’agrégation[3]. » Le Subhadda (Subhadra), cité ici, est la dernière personne que Çâyamuni ait convertie à sa doctrine, selon les légendes du Nord, et en particulier le Dîvya avadâna[4], comme aussi selon celles du Sud[5].

f. 14 b. Qui attachait un prix extrême au gain.] L’expression dont se sert ici le texte est adhimâtram̃ lâbhagurukô ’bhût satkâragurukaḥ. Le mot guru, « pesant, grave, » par une translation de sens facile à comprendre, donne naissance à un grand nombre de dérivés qui expriment des idées de respect et de considération. C’est ainsi que le sanscrit gâurava, « gravité, poids, respectabilité, » signifie, dans les dialectes prâkrits, le sentiment qu’on éprouve pour quelque chose de grave, c’est-à-dire le respect. J’ai retrouvé ce sens dans un des édits de Piyadasi, comme on le verra au no X de l’Appendice.

Réjouis du principe de vertu qui était en lui.] Je reconnais maintenant que j’ai mal divisé les termes dont se compose cette phrase ainsi conçue : तेनापि तेन कुशलनूलेन बहुबुडकोटिनियुतशतसहस्त्राणि आरागितान्यभूवन् ; elle doit se traduire littéralement ainsi : « par lui, cependant, en suite de ce principe de vertu, plusieurs centaines de mille de myriades de Kôṭis de Buddhas avaient été réjouis. » On s’étonnera peut-être de trouver quelque chose à louer, ou, comme disent les Buddhistes, une racine de vertu, dans le caractère de ce Bôdhisattva, qui était vaniteux et indolent. Mais la vanité de Yaçaskâma était une sorte d’hommage rendu au savoir et au caractère d’un Bôdhisattva respectable ; c’est d’ailleurs

  1. Introd. à l’hist. du Buddh. indien, t. I, p. 580 et suiv.
  2. Mahâpurinibbâna sutta, dans Dîgh. nik. f. 93 b.
  3. Thûpa vam̃sa, fol. 2 a.
  4. Divya avadâna, f. 99 b, man. Soc. asiat.
  5. Turnour, Mahâwanso, p. 11, l. 6.