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CHAPITRE PREMIER.

est homogène, » par la traduction suivante : « [il enseignait la loi] tout entière, sens et lettres compris. » Peut-être est-il maintenant nécessaire de justifier le sens de lettre que je donne à vyañdjana, mot dont la signification fondamentale est celle de signe, marque, attribut, et qui, parmi divers sens d’extension, a celui de consonne. Le sens que j’adopte me paraît ressortir nettement de l’opposition que marque le rapprochement des deux mots artha et vyañdjana ; artha est le sens, vyañdjana est le signe du sens, ce qui le caractérise, ce qui l’exprime. C’est ce que dit formellement l’auteur de la grammaire pâlie intitulée Padarûpa siddhi, quand il commente le mot vyañdjana, « consonne, » de cette manière : vyañdjîyati êtêhi atthôti vyañdjana, « le sens est exprimé par elles, voilà pourquoi on les nomme vyañdjana[1]. « Il est bien naturel qu’en parlant de l’enseignement de la loi, on signale et le sens et les syllabes qui l’expriment ; traduire vyañdjana par caractère, attribut, serait, ce me semble du moins, donner une idée moins précise de ces deux termes artha et vyañdjana, qui reviennent, en dernière analyse, à exprimer le fonds et la forme. J’ai essayé de retrouver ce sens dans un des édits de Piyadasi, comme on le verra à l’Appendice, no X.

La naissance, la vieillesse, etc.] Dans une discussion relative à l’enchaî­nement des éléments constitutifs de l’existence, et qui fait partie du Vinaya sûtra, l’un des manuscrits de M. Hodgson, je trouve le passage suivant qui jette quelque jour sur plusieurs mots de notre texte : « De bhava, l’existence, vient djâti, la naissance ; la naissance, c’est la production d’un skandha (agrégat), qui n’est pas encore né ; or la naissance vient de l’existence. De la naissance viennent plus tard les peines de la vieillesse et de la mort, « de la douleur et autres, y compris les lamentations, le chagrin, le désespoir ; c’est-à-dire que la vieillesse et la mort et les autres maux ont pour origine la naissance. Voici « l’explication de chacun de ces termes, conformément aux Sûtras. La complète maturité « de l’agrégat [existant], c’est la vieillesse ; la séparation d’avec l’agrégat complètement « vieilli, c’est la mort. La douleur de cœur qu’on éprouve au moment où un homme « meurt, où il s’en va, c’est la peine ; les discours et les paroles que nous arrache la peine, « ce sont les lamentations ; la mort des cinq organes des sens, c’est la douleur ; la mort du « cœur, c’est le chagrin ; le désespoir résulte de l’accumulation de la douleur et du chagrin[2]. » Comme le manuscrit est très-incorrect, j’ai été obligé d’abréger de quelques mots la définition de çôha, que je traduis par peine, et celle de duḥkha, que je rends par douleur. Ces termes sont assez rigoureusement fixés, tant par eux-mêmes que par le voisinage des autres expressions, pour que cette perte de quelques mots soit peu regrettable. Au reste, ces expressions sont en quelque sorte sacramentelles, et elles appartiennent aux notions les plus anciennes que nous possédions sur la théorie morale du Buddhisme. Elles jouent en effet le même rôle dans les écoles du Sud que dans celles du Nord, et j’en trouve un exemple caractéristique dans le Djina alam̃kâra pâli, dont je possède le texte avec un commentaire ; c’est, comme on va le voir, une stance des mètres Djagatî et Trichṭubh.

  1. Padarûpa siddhi, fol. 3 a, l. 2 de mon man.
  2. Vinaya sûtra, fol. 175 b.