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NOTES.

ces habiles sinologues à la durée de chacune des grandes divisions du Mahâkalpa et à celle du Mahâkalpa lui-même. Ses observations me paraissent en effet très-concluantes ; quelque considérable que soit le chiffre que la base de quatre-vingt-quatre mille ans fournit à Rémusat pour la durée d’un grand Kalpa, ce chiffre n’est cependant pas à proprement parler incommensurable, et conséquemment il ne répond que d’une manière imparfaite à l’idée que les Buddhistes nous donnent de l’immensité d’un grand Kalpa.

Les Barmans et les Singhalais, dont les croyances reposent sur les mêmes autorités religieuses, nomment Andrakat pour Antarakappa, c’est-à-dire Kalpa intérieur, intermédiaire ou moyen, une période de décroissance et une d’accroissement ; Asam̃khêyyakappa, la réunion de soixante-quatre Antarakappas; et Mahâkappa, la réunion de quatre Asam̃khêyyakappas[1]. Pendant la durée de chaque Antarakappa, la longueur de la vie humaine est réduite d’un nombre d’années dit Asamkhêyya, c’est-à-dire incalculable, à dix années seulement, pour remonter ensuite à sa première longueur[2]. Ce sont ces diminutions et accroissements successifs qui ont lieu soixante-quatre fois avant que soit achevé le cours d’un Mahâkappa, qui se termine par la destruction finale de l’univers[3]. Les éléments destructeurs sont l’eau, le feu et le vent qui se succèdent et s’entremêlent d’après un système indiqué dans les commentaires de Buddhaghôsa, de façon qu’après l’anéantissement successif de soixante-quatre Kappas, l’ordre de renaissance et de destruction recommence[4]. Je n’ai pas besoin de faire remarquer combien l’exposé des Buddhistes du Sud présente d’analogie avec celui des Mongols, tel que le reproduit I. J. Schmidt ; c’est, selon moi, un argument d’un grand poids en faveur de l’exactitude de son opinion. Cet exposé nous donne d’ailleurs une idée beaucoup plus gigantesque de la durée d’un Kalpa que celui que Deshauterayes et Rémusat attribuaient aux auteurs chinois. Quelques détails empruntés aux textes du Sud qui sont entre mes mains vont confirmer encore et éclaircir cette manière d’envisager la durée d’un Mahâkalpa.

L’idée du nombre immense d’années, que renferme une pareille période est tellement familière aux Buddhistes de Ceylan, qu’elle leur a suggéré une mauvaise étymologie du mot de Kalpa, ou en pâli Kappa, dont on doit la connaissance à Turnour : Kappîyati pabbatasâsapopamâdihi. « On se le figure par la comparaison du nombre de graines de moutarde ou autres atomes contenus dans une montagne[5]. » J’ai retrouvé récemment cette explication dans le recueil singhalais nommé Dharma pradîpikâ, mais avec un petit déplacement de mots et une faute facile à corriger : Kappîyati sâsa[pa]pabbatôpamâhîti kappô. « Un Kappa, c’est ce qu’on se représente par les comparaisons d’une montagne de graines de

  1. Fr. Buchanan. On the rel. and liter. of the Burmas, dans Asiatic Researches, t. VI, p. 82, éd. Lond. in-4o.
  2. Turnour, Examin. of Pâli Buddh. Annals, dans Journ. asiat. Soc. of Bengal, t. VII, p. 689 ; Sangermano, Descript. of the Burman Empire, p. 7, éd. W. Tandy ; Buchanan, On the rel. and liter. etc. dans Asiat. Res. t. VI, p. 181.
  3. Sangermano, Descript. etc. p. 7 et 26 ; Buchanan, Asiat Res. t. VI, p. 182 ; J. Low, On Buddha and Phrabât, dans Transact. roy. asiat. Soc. of London, t. III, p. 84.
  4. Turnour, Examin. of Pâli Buddh. Annals, dans Journ. as. Soc. of Bengal, t. VII, p. 701 ; Sangermano, Descript. etc. p. 7 et 26.
  5. Turnour, Mahâwanso, index, p. 12.