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CHAPITRE PREMIER.

une voyelle, lors même que ces deux mots sont réunis en composition[1]. Il est vrai que les grammairiens singhalais qui sont à notre disposition font de cette particularité une règle purement mécanique, tandis que, dans le plus grand nombre des cas où je l’ai remarquée jusqu’ici, il y faut voir un accusatif dont la présence est appelée par la nature et l’action verbale du mot qui termine le composé. C’est du moins ce qui me paraît être, même dans le composé pâli Sirimanubhavanam, « la jouissance de la prospérité, » où Spiegel pense que le m de sirim est purement euphonique[2]. La leçon du manuscrit de la Société asiatique nous offrait donc ici un nouvel exemple des rapports si nombreux qui existent entre le sanscrit des Buddhistes du Nord et le pâli de ceux du Sud. Toutefois, aujourd’hui que je puis consulter les deux manuscrits de M. Hodgson, qui lisent dhvadja­samutchtchhrayam, je suppose que la leçon du manuscrit de la Société résulte de l’omission fautive de la lettre sa. Au reste, les images qui sont accumulées dans ce passage de notre texte sont familières aux Buddhistes de toutes les écoles. On en verra un exemple au commencement de la légende du Chasseur, publiée d’après le texte pâli par Spiegel. Mais il ne faut pas avec cet éditeur traduire la phrase dhammakêtum ussâpênto par « faire des assemblées de la loi[3] » mais bien par « dressant la bannière de la loi. » C’est, avec d’autres mots, la figure même qui fait l’objet de la présente note.

f. 10 b.Produit au dehors la lumière d'un semblable rayon.] Cette expression, qui se trouve quelques lignes plus bas dans la même page, est écrite de deux manières différentes par le manuscrit de la Société asiatique, la première fois raçmipramuñ­tchamânâvabhâsô, et la seconde fois raçmipramuñ­tchanâvabhâsô ; cette dernière leçon est aussi celle des manuscrits de M. Hodgson, et elle est évidemment préférable, quoique le substantif pramuñtchanâ, qu’il faut supposer si on l’adopte, ne se trouve pas dans Wilson. Si l’on conservait le participe présent que donne la première leçon, il semble qu’il faudrait le placer avant raçmi, et traduire, « la lumière du rayon au moment où il s’élance. » Au contraire le sens que fournit la seconde leçon, « la lumière de l’émission d’un rayon, » est beaucoup plus direct.

Avec laquelle le monde entier doit être en désaccord.] L’expression que j’interprétais ainsi est sarvalôka vipratyanîyaka ; je pense aujourd’hui qu’il est plus exact de dire, « avec laquelle le monde entier est en désaccord. » Le sens fondamental de cet adjectif est confirmé par la version tibétaine, qui rend vipratyanîyaka par mthun-pa, « accord, concorde », précédé de la négative mi, de cette manière mi mthun-pa, « qui est en désaccord[4]. » Le même mot, sauf le préfixe vi, remplacé par l’a négatif, et la suppression de la syllabe ya, se trouve sous la forme de apratyanîka, que je traduis par « qui est un objet d’aversion[5]. » C’est de cette dernière forme que vient le terme pâli vipatchtchanika, que je trouve dans un pas-

  1. Clough, Pali grammar, p. 11.
  2. Anecdota pâlica, p. 66.
  3. Ibid. p. 25 et 49.
  4. Voyez encore Rgya tch’er rol pa, t. II, p. 95 et 368, comp. au Lalita vistara, fol. 52 a et 204 a de mon man. A. M. Foucaux traduit bien cet adjectif par « qui est en désaccord. »
  5. Ci-dessous, chap. III, fol. 55 a, st. 117.