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NOTES.

dhistes, et qui conduit directement à l’orthographe du pâli vêḷuriya. Heureusement le vocabulaire pâli déjà cité nous donne un mot très-semblable à celui qui nous occupe, masâragalla, qui est synonyme de pavâla et qui signifie corail[1] ; galla est certainement la forme pâlie de galva, et masâra, quoique justifié par le sanscrit masâra, n’est peut-être qu’une autre forme et une altération d’un primitif musâra qu’auraient conservé les Buddhistes. Ce qu’il y a de certain, c’est que la transcription des Buddhistes chinois, Meou pho lo kie la pho, rappelle plutôt musâragalva que mâsâragalla ; elle est manifestement exécutée sur le sanscrit du Nord, et non sur le pâli du Sud : seulement on a sans doute mal lu le second caractère de la transcription chinoise. Maintenant et quant à la valeur de ce terme, le vocabulaire pâli lui donne celle de corail ; or, dans la liste des sept objets précieux qu’énumère ce même lexique, le corail, sous son nom de pavâla, occupe la dernière place, comme le masâragalva dans celle du Lotus. L’identité de ces deux listes et l’argument que j’en tire touchant la valeur des deux derniers termes de celle du Nord, paraîtront mieux si nous les rapprochons l’une de l’autre telles qu’elles se trouvent et dans le Saddharma et dans l’Abhidhâna.


SADDHARMA.   ABHIDHÂNA.

 
suvarṇa, l’or ;   suvaṇṇa, l’or ;
rûpya, l’argent ; radjata, l’argent ;
vâiḍurya. le lapis-lazuli ; muttâ, la perle ;
sphaṭika, le cristal ; maṇi, toute pierre précieuse ;
lôhitamukti, les perles rouges vêḷuriya, le lapis-lazuli ;
açmagarbha, le diamant ; vadjira, le diamant ;
musâragalva, le corail. pavâla, le corail.

Il serait difficile de ne pas admettre l’identité fondamentale de ces deux listes malgré quelques variantes dans l’ordre et dans les noms ; il est d’ailleurs à remarquer que ces divergences ne portent pas sur des mots contestables. Dans la liste du Saddharma il ne reste plus qu’un mot qui donne lieu à quelque difficulté : c’est celui de lôhitamukti, qu’il faudrait lire lôhitamuktâ ; je ne trouve nulle part ailleurs la mention de ces perles rouges, elles ne sont probablement pas différentes des perles ordinaires, et le mot de rouge est sans doute destiné à rappeler une nuance analogue à celle qu’on remarque sur l’opale. On serait tenté de séparer ce mot en deux et de traduire lôhita comme lôhitaka, « le rubis, » et muktâ, « la perle. » Mais cette division nous donnerait huit ratnas ou substances précieuses au lieu de sept, qu’annoncent les deux listes. Dans la liste de l’Abhidhâna, le cristal est remplacé par le mot maṇi qui désigne généralement toute pierre précieuse ; je suppose que la liste du Saddharma est plus exacte, parce qu’elle est plus précise.

Nous ne citerons plus maintenant que pour mémoire quelques autres interprétations qui ont été données par divers sinologues. Ainsi, selon A. Rémusat, la substance que le Lotus nomme musâragaha, désigne, aux yeux des Chinois, une pierre de couleur bleue

  1. Abhidhâna ppadîpikâ, lib. II, cap. vi. st. 46.