Page:Burnouf - Lotus de la bonne loi.djvu/340

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
319
CHAPITRE PREMIER.

semblables à l’espace, semblables à moi. » En supposant qu’il faille lire khaḍga, on traduirait, « semblables au rhinocéros, semblables à moi. »

St. 45. Les sept substances précieuses.] Les substances dont il est parlé ici sont très-vraisemblablement celles dont on trouve une énumération ci-dessous, ch. vi, f. 83 a et 84 a. En voici les noms sanscrits : suvarṇa, rûpya, vâiḍurya, sphaṭika, lôhitamukti, açmagarbha, masâragalva. Il ne paraît pas qu’il puisse exister le moindre doute sur le sens des quatre premiers termes ; ce sont l’or, l’argent, le lapis-lazuli et le cristal ; cette interprétation s’appuie sur le Dictionnaire de Wilson pour le sanscrit, et sur celui de Csoma de Körös pour le tibétain. Je laisse de côté le cinquième terme, sur lequel je reviendrai tout à l’heure. Le sixième, açmagarbha, signifie selon Wilson, émeraude, et c’est d’après cette autorité, qui repose elle-même sur celle de l’Amarakôcha, que j’ai traduit ; mais il ne me paraît plus aussi évident que cette interprétation soit exacte. En effet, la comparaison qu’on doit faire de notre liste des sept choses précieuses avec une pareille liste qui a cours chez les Buddhistes du Sud et qui est reproduite par le vocabulaire pâli intitulé Abhidhâna ppadîpika[1], sert à déterminer, comme je le dirai tout à l’heure, le septième terme de l’énumération du Lotus, en y introduisant le corail, là où je voyais le diamant. Il ne reste donc plus de place dans notre liste pour le diamant, cette substance si précieuse que la liste du Sud donne sous son nom de vadjira, pour le sanscrit vadjra. Aussi n’hésité-je pas à traduire açmagarbha par le diamant ; et la signification première de ce mot composé, cœur de pierre, me paraît s’accorder parfaitement avec la dureté connue de cette substance. Les Tibétains, qui traduisent d’une manière si exacte en général, rendent uniquement la signification étymologique par les monosyllabes rdohi-sñid-po, « l’essence de la pierre. » Ce mot composé, que je n’ai pas trouvé dans Csoma, désigne le fer, suivant Schröter ; c’est alors plutôt la traduction d’un des noms sanscrits de ce métal, açmasâra. Je dois ajouter qu’Abel Rémusat, dans une note du Foe koue ki, interprétait açmagarbha par succin[2], sans doute d’après des autorités chinoises. Je ne crois pas que cette interprétation puisse se soutenir après les observations que je viens de présenter.

Le nom de la septième et dernière substance est écrit de plusieurs manières différentes, et ces variétés d’orthographe, qui semblent annoncer un mot de la valeur duquel les copistes ne sont pas sûrs, nous laisseraient dans une assez grande incertitude, si nous n’avions pas ici encore le secours de la liste des Buddhistes du Sud. Ce nom, qui est ordinairement écrit musâragalva, l’est aussi muçâragalva, susâragalva et même musâragalyârka[3] ; la leçon susâragalva résulte certainement de la confusion facile du s avec le m. Les deux parties dont se compose ce terme qui manque dans Wilson, se trouvent chacune à part dans le Dictionnaire de ce savant, mais sous une forme légèrement altérée, celle de masâra, désignant l’émeraude ou le saphir, et celle de galvarka, désignant le lapis-lazuli. Le lapis-lazuli n’a rien à faire ici, puisque nous le trouvons déjà dans notre liste, sous son nom indien de vâiḍurya, et avec cette dentale cérébrale que préfèrent les Bud-

  1. Abidhâna ppadîpikâ, l. II, c. vi, st.44, Clough, p. 64.
  2. Foe koue ki, p. 90.
  3. Divya avadâna ; fol. 67 a.