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NOTES.

du renoncement à toute idée de force ; une quatrième et dernière portion l’est de l’exécution du renoncement à toute idée d’exercice de l’intelligence. » En d’autres termes, avoir cessé de vouloir, de se sentir un esprit, de faire effort et d’exercer son intelligence, voilà les quatre éléments du pouvoir magique, éléments qui, à le bien prendre, se réduiraient à deux, puisque faire effort rentre dans vouloir comme dans sa cause, de même qu’exercer son intelligence rentre dans la fonction plus générale de se sentir intelligent. Le lecteur ne me demandera pas sans doute comment il se fait que l’annulation de ces deux grandes facultés, la volonté et l’intelligence, puisse assurer à l’homme la possession d’un pouvoir surhumain : c’est aux Buddhistes eux-mêmes que je le renverrais. Qu’il me suffise de rappeler que la croyance au pouvoir qu’a le sage d’acquérir des facultés surnaturelles par la pratique de certains exercices ascétiques, est pour les Buddhistes un dogme fondamental et un article de foi. Nous sommes placés ici hors des conditions du bon sens ordinaire, et l’on doit être moins surpris que les Buddhistes voulant faire de leur sage un être qui pût s’élever au-dessus des lois de la nature, lui aient enlevé les deux attributs par lesquels l’ascète le plus insensible est encore soumis à ces lois.

On trouve en outre dans le Vocabulaire pentaglotte cinq autres termes qui sont ajoutés à la section consacrée aux Rĭddhipâdas. Le premier est anupalambhayôgô na bhavati : ces trois mots doivent former une proposition dont la signification peut être : « il n’y a pas union avec la non-perception ; » c’est-à-dire que le sage est indépendant de l’extérieur, en ce qu’il cesse d’être uni avec ce dont il n’y a plus pour lui de perception. Les quatre autres termes sont vivêka niçritam, virâga niçritam, nirôdha niçritam, vyavasarga pariṇatam. Ce sont des adjectifs au neutre qui doivent représenter des substantifs, et qu’on peut traduire ainsi : « la retraite au sein de la solitude, au sein du détachement des passions, au sein de l’anéantissement, et la maturité du complet abandon. » Il semble que ces cinq termes qui reviennent à ceux-ci : la suppression de toute perception, la retraite dans la solitude, l’absence de toute passion, l’action d’arrêter toutes les causes d’activité et l’abandon absolu, sans doute de tout exercice de la volonté et de l’intelligence, doivent être considérés comme les causes efficientes du quadruple pouvoir magique. Je terminerai en avertissant que cette croyance au pouvoir surnaturel des Religieux qu’on distingue spécialement sous le titre d’Arhat, est ancienne dans le Buddhisme. Elle est aussi familière aux Buddhistes du Sud qu’à ceux du Nord ; et les quatre Iddhipâdas, comme on les nomme en pâli, sont à tout instant cités dans le Mahâparinibhâna sutta, aussi bien que dans le Sâmañña phala sutta du Dîgha nikâya, dont on trouvera la traduction au no II de l’Appendice. Je ne les ai cependant pas encore vus nominativement énumérés dans un texte pâli ; mais il n’y a pas d’apparence que les termes doivent en être différents de ceux que je viens d’essayer d’analyser.

Qui a rempli sa mission.] Le mot que je traduis par mission est adhikâra, qui signifie exactement « office, fonction dont on est chargé ; » ma traduction est donc conforme au sens classique d’adhikâra. Mais il se pourrait que chez les Buddhistes du Nord, le radical krĭ, précédé de adhi, eût la même acception spéciale qu’il a chez les Buddhistes du Sud,