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NOTES.

due jusqu’à devenir fabuleuse. Ainsi les Maṇḍalins sont les souverains d’un royaume dit maṇḍala ; ce sont probablement les rois ordinaires. Les Balatchakravartins sont des souverains de plusieurs royaumes, et leur puissance est, à ce qu’il paraît, soutenue par une armée ou une force (bala) qui leur assure la victoire. Enfin les Tchaturdvîpa tchakravartins sont des monarques souverains dont la fabuleuse domination s’étend sur les quatre îles dont la réunion forme la terre suivant l’opinion des Buddhistes. Mais il se pourrait aussi que la fable commençât ici avec le nom de Tchakravartin, et que ce titre désignât le moins élevé des souverains Tchakravartins, celui qui ne commande qu’à l’un des quatre Dvipas ou îles, et dont un recueil cité par Abel Rémusat compte quatre jusque et y compris le Tchaturdvîpa tchakravartin[1]. Il est à peu près certain que le titre de Mahâtchakravartin ou grand monarque souverain, n’est qu’un synonyme de celui de Tchaturdvîpa tchakravartin. Il semble cependant que l’addition de l’épithète mahâ ne soit pas indispensable pour marquer l’infériorité des Balatchakravartins à l’égard des Tchakravartins ; car ces derniers passent pour posséder seuls les sept objets précieux qui sont énumérés au commencement du Lalita vistara[2]. C’est ce que je crois pouvoir conclure d’un passage du Lotus, ch. XVIII, f. 196 b, que j’ai corrigé dans une note. On trouvera dans le Foe koue ki une note intéressante où Abel Rémusat a rassemblé ce que les textes chinois lui offraient de plus caractéristique touchant le roi Tchakravartin, la puissance qu’il possède, et l’époque à laquelle il paraît au monde[3]. Remarquons en terminant que le titre de Tchakravartin a été emprunté par les Buddhistes aux Brâhmanes qui l’attribuaient à Bharata, ce personnage épique, souverain de toute la terre ; mais G. de Humboldt[4] et Lassen[5] ont montré que ce titre, par l’usage qu’en ont fait les Buddhistes, leur est devenu à peu près exclusivement propre. Ainsi l’idée d’assigner à un Buddha dans l’ordre religieux le rang qu’occupe le roi Tchakravartin dans l’ordre politique, ne pouvait se présenter aux Brâhmanes.

Remplis d’étonnement et de satisfaction.] L’expression consacrée dans les textes sanscrits du Nord pour rendre cette idée est âçtcharyaprâptâ âudvilyalchittâḥ ; le premier mot signifie littéralement « arrivés à l’étonnement ; » mais je n’ai pas d’autorité positive pour traduire par satisfaction, plutôt que par curiosité, ou encore par surprise ou même par trouble, le mot âudvilya, que je ne trouve pas dans Wilson. Il faut probablement rattacher ce dérivé au radical vil, « to throw, to cast, » et y voir un substantif abstrait qui devra signifier au propre agitation, trouble. En rapprochant âudvilya de vélâ, on serait tenté de traduire le premier mot par « l’état d’être hors de sa rive, » ou encore « d’être inopinément frappé, surpris à l’improviste. » Cette dernière interprétation semblerait être confirmée par le singhalais, où le mot uvale signifie, selon Clough, confused, entangled, perplexed[6]. Ce dernier mot semble nous conduire à une forme pâlie qui serait uvila ou ubbila.

  1. Foe koue ki, p. 134.
  2. Rgya tch’er rol pa, t. II, p. 14 et suivantes.
  3. Foe koue ki, p. 131 et suiv.
  4. Humboldt, Ueber die Kawi-Sprache, t. Ip. 276.
  5. Lassen, Ind. Alterthamsk. t. I, p. 810, note 2 ; t. II, p. 76, note 5. La question est, dans les deux endroits cités, traitée de main de maître.
  6. Singhal Diction. t. II, p. 83.