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CHAPITRE PREMIER.

servant le titre de Kumâra sans le traduire, il fallait le prendre avec la signification de prince royal, sans cependant tenir autant compte de bhûta, qui n’a certainement pas ici une valeur aussi forte que celle que je lui attribuais, et qui signifie tout au plus « qui était. » C’est ainsi qu’on trouvera vers la fin de cette traduction, l’expression plus simple de « Mandjuçrî Kumâra. » J’ai déjà parlé ailleurs de ce personnage célèbre, mais seulement d’une manière incidente et pour caractériser les Sûtras développés où paraît son nom[1]. L’importance du rôle qu’il a joué dans la propagation du Buddhisme parmi les nations himalayennes m’a engagé à réunir ce que nous ont appris sur son compte de savants orientalistes anglais ; on trouvera ces détails dans le no III de l’Appendice qui suit ces notes. Je remarque seulement ici que la rédaction en vers se sert concurremment avec Mañdjuçrî des noms de Mañdjughôcha (st. 12, 43) et de Mañdjusvara (st. 50, 56) ; ces noms sont autorisés par le Trikâṇḍa çêcha, qui les énumère parmi les synonymes du nom de Mañdjuçrî.

Avalôkitêçvara, etc.] J’ai déjà parlé du premier des Bôdhisattvas plus ou moins célèbres qui sont énumérés ici, ainsi que de Mahâsthâma prâpta[2]. Je remarquerai en ce qui touche Avalôkitêçvara, qu’un chapitre du Lotus est consacré à la gloire de ce grand personnage, c’est le XXIVe, f. 228 a. Quant à Mahâsthâma prâpta[3], son nom est quelquefois écrit Mahâsthâna prâpta, notamment dans le texte auquel renvoie l’Introduction au Buddhisme indien ; nos quatre manuscrits du Lotus s’accordent à le lire avec sthâma au lieu de sthâna. Une variante qui a encore moins d’importance est celle de Pradânaçûla que lisent les deux manuscrits de M. Hodgson et celui de Londres, au lieu de Pradânaçûra du manuscrit de la Société asiatique, ce qui est la vraie leçon. Plusieurs des Bôdhisattvas qu’on représente ici assistant à l’Assemblée de Çâkya, sur la montagne de Grĭdhrakûṭa, reparaîtront dans le cours de cet ouvrage, au milieu de scènes gigantesques ou bizarres ; et le lecteur reconnaîtra sans peine si j’ai eu raison de voir dans la création de ces Bôdhisattvas fabuleux, l’effort impuissant d’une imagination qui a cru pouvoir peupler sûrement l’espace parce qu’elle en avait conçu vaguement l’étendue infinie. Si, comme j’ai essayé de l’établir ailleurs, les énumérations de Bôdhisattvas de cette espèce sont un des traits caractéristiques de la composition des Sûtras développés, on ne devra pas s’étonner d’en trouver de pareilles au début des traités de ce genre. Aussi en voyons-nous une au commencement du Lalita vistara, et les noms qui la composent sont, sauf quelques modifications orthographiques, à peu près les mêmes qu’ici. Nous avons d’abord Mâitrêya, le premier dans la liste du Lalita, l’avant-dernier dans la nôtre ; ensuite Dharaṇîçvara râdja, qui n’est probablement qu’un synonyme de notre Dharaṇîdhara ; j’en soupçonne autant de Sim̃hakêtu, comparé au Sim̃ha du Lotus ; il y a même tout lieu de penser que Sim̃hakêtu est une meilleure leçon. Ce Bôdhisattva est-il le même que le Sim̃hanâdanâdin cité par A. Rémusat[4]. C’est un point que je ne saurais décider, quoique la chose soit assez probable, vu le grand nombre de noms synonymes qu’ont souvent ces personnages fabu-

  1. Introd. à l’hist. du Buddh. t. I, p. 113 et suiv.
  2. Ibid. t. I, p. 101, note 2.
  3. Foe koue ki, p. 120.
  4. Ibid. p. 160.