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NOTES.

dans ceux du Népâl, comme dans ceux de Ceylan, a été parfaitement expliquée par M. A. Rémusat[1] ; je compte d’ailleurs y revenir plus bas, chap. VII, fol.  89 b. J’ai suivi ici le manuscrit de la Société asiatique, où le mot avâivartya est uni en composition avec dharmaichakrapravartakâiḥ, tandis que mes trois autres manuscrits l’en séparent, sous cette forme, avâivartyâiḥ, « incapables de se détourner. » Il m’a semblé que cette dernière leçon avait l’inconvénient de répéter l’idée déjà exprimée par avâivartikâiḥ, mot examiné tout à l’heure. La version tibétaine paraît avoir été exécutée sur un texte semblable à celui de la Société asiatique, ou par un interprète qui a eu les scrupules que je viens d’exposer ; car il me semble qu’avâivartya s’y rapporte à dharmatchakra. En effet, la phrase fyir mi ldog-pahi tchhos-kyi hkhor-lo hskor-ba paraît signifier « qui a fait tourner la roue de la loi qui ne revient pas sur elle-même. »

La charité.] Je n’hésite pas à traduire par charité le mot mâitrî, qui exprime non pas l’amitié ou le sentiment d’affection particulière qu’un homme éprouve pour un ou pour plusieurs de ses semblables, mais ce sentiment universel qui fait qu’on est bienveillant pour tous les hommes en général et toujours disposé à les secourir. Cette vertu qui, comme on sait, est un des traits caractéristiques de la morale buddhique, me paraît exprimée par le mot mâitrî. Au reste, il n’est pas certain que j’aie traduit exactement l’expression du texte mâitrî paribhâvita kâya tchittâiḥ, car on peut entendre kâya tchitta par « la pensée du corps, » et traduire le tout « ayant triomphé par la charité des pensées du corps, » en faisant allusion à ces sacrifices héroïques d’une charité surhumaine qui accepte jusqu’au suicide, dont on voit de si fréquents exemples dans les légendes buddhiques.

Habiles à pénétrer la science du Tathâgata.] Au lieu de pénétrer, je préfère maintenant communiquer, parce que quand il s’agit de science, le mot avatârana a souvent le sens de faire descendre, communiquer.

Devenu Kumâra.] J’avais pensé que le mot Kumâra, qui désigne ordinairement un jeune prince destiné au trône après la mort de son père, pouvait avoir ici cette acception classique ; et je m’expliquais le fait en supposant que Mañdjuçrî devait, comme avait fait Çâkya avant de devenir Buddha, naître dans une famille royale, où il aurait occupé le rang d’héritier présomptif et reçu en conséquence le titre de Kumâra. J’étais autorisé dans cette supposition par l’épithète de Kumâra que le Trikâṇḍa çêcha donne à Mandjuçrî[2], et c’est pour cela qu’interprétant littéralement le composé Kumâra bhûta, je l’avais traduit dans la plupart des passages où il est nommé, comme on le voit ici, « Mandjuçrî devenu Kumâra. » Toutefois cette traduction laissait dans le doute la question de savoir si Kumâra devait signifier jeune homme ou jeune prince. Mais depuis que j’ai vu l’épithète de Kumâra bhûta jointe au nom de Bôdhisattvas, même de Bhôdhisattvas fabuleux, que la légende fait naître dans des familles royales, j’ai reconnu que tout en con-

  1. Foe koue ki , p. 28, note 6.
  2. Trikâṇḍa çêcha, ch. 1, sect. 1, st. 30, éd. Calc. p. 2 ; Wilson, Notice of three Tracts, etc. dans Asiat. Researches, t. XVI, p. 470.