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CHAPITRE PREMIER.

hâkâçyapa, d’Uruvilvâkâçyapa, de Gayâkâçyapa[1], de Çâriputtra[2], de Mahâmâudgalyâyana[3], de Vakula[4], de Rêvata[5]. Je crois avoir montré aussi en examinant la transcription que donne le Foe koue ki du nom de Kakuda Kâtyâyana, que les syllabes kia tchin yan représentent le mot sanscrit Kâtyâyana[6]. Et quant aux noms que je viens de rappeler, je dois prévenir une remarque à laquelle pourrait donner lieu le troisième, celui de Vâchpa, que nous voyons figurer parmi les personnages que toutes les traditions s’accordent à nous représenter comme les vrais disciples de Çâkya. Cette remarque, c’est que si l’on devait s’en rapporter exclusivement aux noms, en acceptant sans le critiquer leur témoignage, on serait peut-être porté à supposer que Vâchpa est le personnage célèbre dans l’histoire du Tibet pour son vaste savoir, et qui écrivait au commencement du xiiie siècle de notre ère[7]. Et comme d’autre part le Saddharma puṇḍarîka est manifestement d’une date antérieure, il faudrait admettre que le nom de Vâchpa a été introduit ici par une de ces interpolations si faciles dans des ouvrages restés longtemps manuscrits. Mais cette supposition devient inutile, si l’on se rappelle que Vâchpa a été un disciple de Çâkya, et que bien des siècles après lui un religieux d’un autre pays a pu prendre son nom.

Parmi les noms cités dans le Lotus, et que je n’ai pas eu occasion d’examiner ailleurs, plusieurs exigent quelques remarques spéciales. Je suppose que le nom du sage appelé Aniruddha a pu être confondu par les Buddhistes étrangers à l’Inde avec celui d’Anuruddha, nom d’un cousin germain du Buddha. C’est du moins une supposition que me suggère la lecture d’une note du Foe koue ki, dans laquelle je crois reconnaître, sous des transcriptions chinoises dont je n’ai pas le moyen de vérifier l’exactitude, la trace de deux mots sanscrits primitivement distincts. Ainsi A na liu, ou plus exactement, dit-on, A na liu tho, est, suivant cette note, le nom d’un des dix grands disciples de Çâkya, qui passe pour avoir possédé le don d’une vue perçante[8]. Or ce don de la vue perçante ou de l’œil divin, comme le dit encore la note du Foe koue ki, est justement celui qu’une légende que j’ai citée plus d’une fois dans mon Introduction à l’histoire du Buddhisme, celle de la Belle fille du Magadha, attribue au sage Aniruddha[9]. Cette légende nous apprend que Bhagavat l’avait désigné comme le chef de ceux qui possédaient la vue divine, divya tchakchus. La note précitée du Foe koue ki traduit son nom par inextinguible ; cette version n’est pas tout à fait exacte, et la version tibétaine représente mieux le mot sanscrit, de cette manière, ma hgags-pa, « celui qui n’a pas été arrêté. » Ce nom s’explique par une autre note de M. A. Rémusat sur le voyage de Fa hian ; quoique aveugle, Anarôdha (ainsi que son nom est écrit dans cet endroit), n’en voyait pas moins tout ce que renferme un triple chiliocosme, comme on voit un fruit qu’on tient dans la main[10]. Son nom veut donc dire « celui qui n’était pas arrêté par sa cécité. » Ces observations suf-

  1. Introd. à l’hist. du Buddh. t. I, p. 158, note 3.
  2. Ibid. p. 48, note 5.
  3. Ibid. p. 181, note 3.
  4. Ibid. p. 391, note 2.
  5. Ibid. p. 396, note 2.
  6. Ibid. t. I, p. 163, note. Comp. Foe koue ki, p. 149.
  7. Hyacinthe et Klaproth, Descript. du Tibet, dans le Nouv. Journal asiatique, t. IV, p. 117 et suiv.
  8. Foe koue ki, p. 131.
  9. Sumâgadhâ avad. fol. 7 b.
  10. Foe koue ki, p. 168. Cette comparaison est, on le sait, très-familière aux Brâhmanes.