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NOTES.

collection buddhique du Népâl auxquels on attribue une autorité canonique. Elle se retrouve également sous la forme de êvam mê satam, au commencement de tous les Suttas pâlis de Ceylan que j’ai pu examiner jusqu’ici. C’est, comme je l’ai remarqué ailleurs, le lien par lequel les livres qui font autorité chez les Buddhistes se rattachent au personnage inspiré, fondateur du Buddhisme, qui, selon le témoignage des textes et en particulier de ceux de Ceylan, passe pour n’avoir rien écrit, mais pour avoir toujours communiqué sa doctrine par la voie de l’enseignement oral[1]. Au reste, en traduisant ce début, Evam maya çrutam êkasmin samayê, j’ai rejeté les mots êkasmin samayê au commencement de la phrase suivante, et je les ai séparés de la formule, « Il a été ainsi entendu par moi. » Il se pourrait faire que j’aie eu tort de détacher ces deux derniers mots, et qu’il fallût les laisser unis aux précédents, de cette manière : « Voici ce que j’ai entendu un jour. » C’est du moins de cette façon que I. J. Schmidt rend l’interprétation tibétaine de cette formule sanscrite[2], et M. Foucaux en fait autant au début de sa traduction du Lalita vistara tibétain[3]. Une observation semble venir à l’appui de cette version, c’est que si on supprime la formule complète, y compris les mots êkasmin samayê, on a le commencement d’un Avadâna, classe de livres qui, comme je l’ai dit autre part, ne diffère guère de celle des Sûtras que par l’absence de la formule, « Il a été ainsi entendu par moi[4] ». Or si c’est là, ainsi que je le pense, un caractère fondamental, quoique extérieur pour la distinction de ces deux espèces de livres, ne peut-on pas dire que les mots êkasmin samayê ne se trouvant pas en tête des Avadânas, appartiennent forcément à la formule êvam maya çratam ? Cette disposition des termes du texte est moins conforme aux règles du placement des mots en sanscrit que celle que j’ai suivie dans ma traduction ; mais une considération de ce genre n’est que de peu de valeur, maintenant que nous savons à quelle distance des compositions classiques de la littérature brâhmanique doivent se placer les livres religieux des Buddhistes du Nord. Si l’on préfère cette seconde interprétation, on traduira de la manière suivante le début du Saddharma : « Voici ce que j’ai entendu un jour : Bhagavat se trouvait à Râdjagrĭha. »

Bhagavat se trouvait.] L’expression que les textes sanscrits du Népâl emploient invariablement pour rendre cette idée est viharati sma ; c’est aussi celle dont les Suttas pâlis de Ceylan font usage. On voit clairement que c’est de ce verbe vi-hrĭ qu’a été formé le mot vihâra, nom des monastères buddhiques. Un vihâra est donc le lieu où se trouve le Buddha ou les Religieux qui suivent sa loi[5]. Je me suis expliqué ailleurs sur l’importance du titre de Bhagavat, par lequel on désigne constamment dans les livres canoniques Çâkyamuni Buddha[6]. Je montrerai que l’ancienneté et l’authenticité de son emploi sont établies par une des inscriptions du roi buddhiste Piyadasi, dans un des paragraphes du n° X de l’Appendice, qui est relatif aux noms de Buddha, Bhagavat, Râhula et Saddharma.

  1. Introduction à l’histoire du Buddhisme indien, t. I, p. 45.
  2. Mém. de l’Acad. des sciences de S. Pétersbourg, t. IV, p. 185.
  3. Foucaux, Rgya tch’er rol pa, t. Ier, p. 2.
  4. Introd. à l’hist. du Buddh. indien t. I, p. 99.
  5. Ibid. t. I, p. 286.
  6. Ibid., t. I, p. 72, note.