Page:Burnouf - Le Bhâgavata Purâna, tome 1.djvu/65

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
lv
PRÉFACE.

Purâṇas s’adressaient aux classes qui ne lisaient pas les Vêdas, ils en firent vraisemblablement toutes les applications qui pouvaient leur être le plus favorables. Les Purâṇas se remplirent de légendes destinées à établir la suprématie de la caste des Brâhmanes, en même temps qu’élevés, soit de l’aveu de ces derniers, soit par l’audace des sectaires, à un rang presque égal à celui des Vêdas, dont ils reproduisaient quelquefois les hautes conceptions, ces livres purent fournir de nombreux aliments à ce besoin de spéculations philosophiques et religieuses qui est le trait caractéristique du génie indien.

Si, comme je l’ai déjà dit, c’est seulement l’étude attentive des Purâṇas, considérés d’abord en eux-mêmes, puis comparés les uns aux autres, qui nous apprendra quelque chose de certain sur leur origine et sur leur date ; et si, dans le fait, les Purâṇas sont encore trop peu connus pour que l’histoire du Bhâgavata reçoive quelque lumière de la comparaison qu’il serait indispensable d’en faire avec les autres livres de même genre, il est naturel que je regarde les doutes que je viens d’élever sur l’exactitude de la tradition qui les attribue à Vyâsa, comme s’appliquant aussi bien à notre Bhâgavata qu’à tous les autres Purâṇas. Mais l’accord que je trouve entre le résultat des recherches que j’ai faites à Londres, il y a quelques années, et une opinion émise depuis longtemps par Colebrooke, m’autorise à croire que la question est plus avancée en ce qui touche au Bhâgavata. Déjà, dans son Mémoire sur les Vêdas, Colebrooke avait dit que le Bhâgavata était une composition assez moderne, dont l’auteur lui paraissait être Vôpadêva, écrivain célèbre, auteur de plusieurs ouvrages, et notamment d’un système de la langue sanscrite, qui a remplacé dans le Bengale celui de Pâṇini[1]. Cette assertion, que ce grand indianiste

  1. Colebrooke, Miscell. Essays, t. I, p. 104.