Page:Burnouf - Le Bhâgavata Purâna, tome 1.djvu/63

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
liii
PRÉFACE.

veaux auxquels elles se sont trouvées successivement mêlées. Toutes les probabilités me portent donc à croire qu’il a dû s’écouler un long temps entre l’époque, reportée par Colebrooke au XIVe siècle avant notre ère[1], où les Vêdas ont reçu la forme qu’ils ont maintenant, et celle où l’on a commencé à rassembler les légendes anciennes sous le titre spécial de Purâṇas.

Une remarque vient, ce me semble, à l’appui de la supposition que Vyâsa ne peut avoir eu part à la composition des Purâṇas actuels ; c’est le fait déjà indiqué plus haut, que ces livres passent pour avoir été rédigés dans l’intérêt des castes auxquelles était interdite la lecture des Vêdas, ouvrages qui sont, comme on sait, le patrimoine à peu près exclusif de la classe des Brâhmanes. Il est naturel de supposer que ces castes ont exercé quelque influence sur la composition des ouvrages qui leur étaient destinés. Aussi avons-nous vu que la connaissance de ces recueils était spécialement attribuée à une classe inférieure, à celle des écuyers et des Bardes, qui, d’autre part, ne pouvait lire les Vêdas. Cette curieuse tradition, que nous avons empruntée au commencement du Vâyavîya, et qui s’y trouve chargée de circonstances mythologiques dont l’exagération ne change rien au caractère du fait principal[2], est indiquée aussi par le Bhâgavata, d’une manière, il est vrai, très-concise, dans le dialogue où les Rĭchis qui prient Sûta de leur raconter l’histoire de Krĭchṇa, louent en lui le savant qui possède toutes les sciences, excepté celle du Vêda[3]. Le fait est ici complètement d’accord avec le droit, puisque le Sûta, en tant qu’issu d’un mariage contracté, comme dit la loi de Manu, dans

  1. Miscell. Essays, t. I, p. 109 et 110 ; p. 200 sqq., p. 332. Voyez encore Asiat. Res. t. V, p. 288, éd. in-8o.
  2. Wilson, Anal. of the Pur. dans Journ. of the Asiat. Society of Bengal, t. I, p. 536 ; voyez ce que j’en ai déjà dit plus haut, p. XXVII sqq.
  3. Bhâgavata, l. I, ch. IV, st. 14.