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PRÉFACE.

s’arrête pas à Ugraçravas, le chantre des antiques légendes cosmogoniques et héroïques ; elle remonte jusqu’à Krĭchṇa Vêdavyâsa lui-même, par l’intermédiaire de Rômaharchaṇa, son disciple et père du Sûta ou Barde Ugraçravas. Notre Bhâgavata s’accorde en ce point avec le Mahâbhârata, et Vyâsa y est appelé le rédacteur ou le compilateur des traditions anciennes, comme on sait qu’il l’est des prières, des hymnes et des portions philosophiques des Vêdas. Ne faut-il voir ici qu’une invention des auteurs des Purâṇas, ou bien ce sage a-t-il réellement exercé une influence personnelle sur la rédaction de ces ouvrages ? J’avoue que, dans l’absence presque complète de tout renseignement chronologique, j’aimerais mieux admettre la première supposition que la seconde. Pour que Vyâsa eût pris part à la classification des matériaux qui entrent dans la composition des Purâṇas actuels, il faudrait croire que les documents qu’il avait à mettre en œuvre étaient, comme ceux dont se compose le recueil des Vêdas, antérieurs à son temps. Or cette supposition n’est guère soutenable, quand on compare le style des Purâṇas avec celui des parties des Vêdas, entre autres du Rĭtch, qui nous sont déjà connues. Il y a bien des siècles entre l’exposition si concise et si hardie, entre le langage encore rude mais solennel des Vêdas, et la manière facile mais un peu diffuse des Purâṇas. Ou bien si l’on prétend, ce que du reste je crois très-probable, que dès le temps où les Vêdas furent rédigés en un corps d’écritures canoniques, il existait des Purâṇas dont nous retrouvons des traces dans les légendes des Brâhmaṇas, et que de plus ces antiquités ont passé dans les compilations que nous possédons maintenant sous ce titre de Purâṇa, on sera forcé de convenir, ou que ces traditions étaient en petit nombre, ou qu’elles ont bien changé de physionomie dans leur contact avec les éléments nou-