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PRÉFACE.

le mot Purucha par Esprit, ou lorsque je l’ai conservé sans le traduire. J’avoue que j’ai été embarrassé plus d’une fois, et que relativement à certains passages, je conserve encore des doutes sur la question de savoir s’il faut traduire ou simplement transcrire ce terme qui est une des plus antiques désignations de l’Être suprême, considéré comme nature spirituelle, et qui a été admis, quoique avec quelques nuances, par les plus grandes écoles philosophiques de l’Inde. La distinction de ces nuances et la déterminatipn de ce qu’il faut entendre, dans chaque cas donné par ce mot, paraît être, pour les commentateurs indiens eux-mêmes, un point qui n’est pas sans difficulté, et Çridhara Svâmin, par exemple, cite dans plus dun endroit de sa glose un passage emprunté à un Tantra des Vâichnavas qui est ainsi conçu : « On reconnaît à Vichnu trois formes également nommées Purucha : la première est celle qui a créé l’Intelligence, la seconde est celle qui est formée de l’œuf du monde, la troisième est celle qui se compose de la réunion des êtres ; celui qui connaît ces trois formes est sauvé. » Mais cette définition n’exprime encore qu’une partie des sens du mot Purucha, tel qu’on le trouve à tout instant employé dans le Bhâgavata ; elle est purement théologique et cosmogonique, et elle laisse de côté l’application que fait de ce mot l’école Sâmkhya, dont la doctrine forme, selon la remarque de Colebrooke, le fond des opinions philosophiques développées dans la plupart des Purânas. D’accord avec cette école, les Purânas entendent par le mot Purucha, l’Esprit opposé à la Nature ; et par l’Esprit, ils désignent l’esprit de l’homme, c’est-à-dire l’âme individuelle, ou, suivant une vieille étymologie plus ingénieuse qu’exacte, cet Esprit qui dort dans la ville du corps. Le mot Purucha est donc à la fois le nom de Dieu, celui du monde et celui de l’homme ; et si l’on se souvient que la tendance ordinaire