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que nous sachions, et qui venait porter le trouble dans une puissante et séculaire organisation politique et religieuse. Quand le fils de Mâyâ, Çâkya-Mouni, surnommé le bouddha, fils de raja et râja lui-même, entraînait hors des cités les peuples avides de l’entendre, il ne leur enseignait qu’une morale très-pure, confirmée par des miracles étonnants ; mais lorsqu’après sa mort le premier concile se réunit pour fixer les principaux points du dogme et organiser une église, on vit naître une orthodoxie qui, en appelant au sacerdoce non seulement les castes âryennes, mais encore les castes les plus infimes, bouleversait la société et la sapait dans sa base. Le bouddhisme fut donc, lui aussi, une semence de discorde jetée au sein du bràhmanisme : on enseigna au milieu des persécutions ; on eut des rénégats et des martyrs, des confesseurs, des missionnaires et des saints, jusqu’au jour où la vieille orthodoxie, plus forte que l’orthodoxie naissante, l’expulsa de son sein et la força de chercher fortune au dehors.

Le christianisme eut plus de succès dans l’empire : il conquit tout l’Occident et s’étendit fort loin en Asie ; mais comme de ce côté il ne sut pas s’organiser en une puissante orthodoxie soutenue par toutes les forces séculières, les populations non âryennes de ces contrées retournèrent sans beaucoup de peine à des dogmes mieux appropriés à leur race, quand l’islamisme vint s’offrir à elles. Aujourd’hui il serait plus facile d’ôter toute religion aux musulmans que de leur faire adopter le christianisme.

Il nous reste à exposer comment finissent les orthodoxies et à définir les lois générales de leur décadence et les causes de leur chute. Quand s’est fondé le premier dogme, la pensée de ceux qui l’avaient conçu conservait nécessairement, après l’accord, la liberté qu’elle avait eue auparavant. Il en résulte que dans toutes les