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que dans les trois religions modernes, le mahométisme le christianisme et le bouddhisme. Le sacerdoce brâhmanique doit sa durée non à sa constitution particulière, qui est nulle, mais au régime des castes, dont il est pour ainsi parler la clef de voûte. Les brâhmanes sont égaux et n’ont jamais, depuis leur origine, reconnu pour chef aucun d’entre eux. Leur commune origine, figurée par la bouche de Brahmâ, les rend indépendants les uns des autres ; nul d’entre eux ne peut imposer à un autre une obligation ni lui donner un ordre ; si quelque brâhmane acquiert avec les années une autorité qui manque à d’autres, il la doit à sa science et non à une supériorité de fonction.

Cette égalité hiérarchique des prêtres a pour conséquence la liberté dans les doctrines : s’il y a eu dans l’Inde une orthodoxie, ce n’est pas l’autorité d’un chef ou d’une réunion quelconque de brâhmanes qui l’a fixée, c’est uniquement sa conformité avec le Vêda, c’est-à-dire avec la sainte écriture. Là donc il y a toujours lieu de discuter un point de doctrine, sans que l’on puisse être accusé ni condamné par aucune puissance sacrée ; la liberté de penser est absolue dans la caste sacerdotale.

Si l’on remonte au delà des temps brâhmaniques, on ne trouve plus ni sacerdoce régulièrement constitué, ni clergé d’aucune sorte ; il n’y a plus de prêtres se distinguant du reste des hommes, tout père de famille est prêtre au moment où il remplit la fonction sacrée, comme il est soldat à la guerre et laboureur aux champs. C’est seulement à la fin des temps vêdiques que l’on voit la fonction sacerdotale se fixer dans certaines familles, comme le pouvoir royal et le commandement militaire se fixent dans certaines autres. Mais la société âryenne avait jusque-là conçu ses dieux et pratiqué ses rites sans l’intermédiaire d’aucun sacerdoce organisé.