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INTRODUCTION À L’HISTOIRE

parler, une classe à part, et qu’elle rentre dans celle des Sûtras. Ici encore la définition des Buddhistes chinois s’accorde avec l’explication que je propose. « Ce mot, disent-ils, signifie grandeur de la loi. Ce sont les livres de la loi, de la grande translation, dont la doctrine et le sens sont amples comme l’espace de la vacuité[1]. » Les mots grande translation[2] représentent le terme sanscrit Mahâyâna, et dans le fait les Sûtras dits développés sont de l’ordre de ceux que l’on nomme Mahâyâna ou grand véhicule. On retrouve d’ailleurs dans l’explication chinoise le sens propre du terme vâipulya.

10° « Adbhutadharma. [Cette division traite] des événements surnaturels. »

Je ne trouve, ni dans la liste de M. Hodgson, ni dans la collection que nous possédons à Paris, aucun ouvrage qui porte le titre d’Adbhuta. Je ne crois donc pas que ce soit, à proprement parler, le nom d’une division réellement existante des écritures buddhiques, et je pense qu’il en est de cet article comme du plus grand nombre de ceux que j’ai examinés jusqu’ici. Il y a des Adbhutas ou des miracles qui sont exposés dans les livres religieux, et les Sûtras en offrent de fréquents exemples. Nous avons donc encore ici un des éléments qui entrent dans la composition des écritures buddhiques, où la croyance au pouvoir surnaturel des Buddhas et de leurs disciples occupe certainement une place considérable. Ces miracles doivent, à cause de cette croyance même, avoir une grande importance aux yeux des Buddhistes, et on les trouve cités dans un passage du Lotus de la bonne loi[3] ; mais, je le répète, cela ne suffit pas pour élever ce titre à la hauteur de celui de Sûtra, puisque le récit des miracles fait partie des Sûtras, et qu’on ne peut pas dire que les Sûtras soient renfermés dans les miracles. J’ajoute, pour terminer, que l’explication des Buddhistes chinois est

  1. Landresse, Foe koe ki, p. 323.
  2. M. Schmidt a justement critiqué (Mém. de l’Acad. des sciences de Saint-Pétersbourg, t. II, p. 10 sqq.) la traduction qu’a donnée M. A. Rémusat du terme de yâna, qu’il rendait par translation. (Foe koue ki, p. 9, note.) Plus récemment, Lassen a proposé d’y substituer celle de voie. Le Triyâna, dit ce savant, désigne les trois voies que peuvent prendre les esprits, selon les divers degrés de leur intelligence et de leur vertu ; et les ouvrages buddhiques reçoivent ce titre de Yâna, suivant que leur contenu se rapporte à l’une ou à l’autre de ces trois voies. (Zeitschr. für die Kunde der Morgenland, t. IV, p. 494.) Je regarde cette observation comme tout à fait fondée ; cependant, comme yâna signifie plus ordinairement encore véhicule, moyen de transport, je préfère cette dernière traduction, d’autant plus que diverses paraboles, entre autres celles du Lotus de la bonne loi, comparent les divers Yânas à des chars attelés d’animaux de diverses espèces. (Le Lotus de la bonne loi, p. 47 sqq. ; comp. A. Rémusat, Foe koue ki, p. 10.) J’ajoute que les Tibétains entendent le mot yâna exactement de la même manière, et que le terme theg-pa, par lequel ils le remplacent, signifie véhicule, ainsi que nous l’apprend le témoignage uniforme de Csoma et de M. Schmidt. C’est cette notion de véhicule, moyen de transport, que développe très-bien Wilson, d’après l’analyse du Kah-gyur par Csoma. (Analys. of the Kah-gyur, dans Journ. Asiat. Soc. of Bengal, t. I, p. 380.)
  3. Le Lotus de la bonne loi, chap. II, f. 28 b du texte, et p. 29, stance 44 de la traduction.