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DU BUDDHISME INDIEN.

celle qui porte sur la date des livres buddhiques, et ce ne sera pas leur faute si les critiques occidentaux compliquent les difficultés de la seconde en s’occupant avant le temps de la première. Ce serait en effet une tentative prématurée que celle de classer chronologiquement ces anciens Buddhas avant d’avoir constaté et apprécié l’authenticité des livres qui nous les font connaître. Ce serait même mettre en péril auprès des esprits difficiles les données positives contenues dans ces livres, que de les présenter comme reportant l’origine du Buddhisme dans une antiquité toute mythologique. Je ne veux pas dire par là qu’il faille rejeter sans examen, comme des notions purement fabuleuses, tout ce que racontent les livres buddhiques de ces Buddhas antérieurs à Çâkya ; et quoique j’attende peu de résultats positifs de cette recherche, je ne me crois pas le droit de la condamner d’avance sans l’avoir essayée. Je désire seulement établir que la question de l’origine des livres buddhiques doit rester étrangère à celle des anciens Buddhas ; et je veux prendre acte, au nom de la critique, du témoignage des Népâlais, qui ne permet pas de faire remonter au delà du dernier Buddha aucun des ouvrages qui nous ont conservé les doctrines buddhiques.

La tradition népâlaise va plus loin encore, et elle affirme que ce fut Çâkya qui écrivit le premier ces ouvrages, et qu’il fut à peu près pour le Buddhisme ce que Vyâsa a été pour le Brâhmanisme[1]. M. Hodgson, il est vrai, en rapportant cette opinion, nous avertit qu’il ne pourrait citer en sa faveur le témoignage d’aucun texte, et j’ajoute qu’en effet aucun des ouvrages que nous possédons à Paris ne passe pour avoir été écrit par Çâkya lui-même. Je ne crois pas que cette seconde partie de la tradition népâlaise mérite autant de confiance que la première. Je remarquerai d’abord qu’elle est contredite formellement par les assertions des autres écoles buddhiques, et, pour nous en tenir à celles qui sont le plus près de la source primitive, je ne citerai que les livres du Tibet et ceux de Ceylan. Les Tibétains, comme les Singhalais, affirment que ce furent trois des principaux disciples de Çâkya qui réunirent en un corps d’ouvrages les doctrines établies par sa prédication : ce fut Ânanda qui recueillit les Sûtras, Upâli le Vinaya, et Kâçyapa l’Abhidharma[2]. Les livres singhalais nous ont même conservé, touchant cette première compilation des écritures buddhiques, une foule de détails fort curieux que nous rappellerons ailleurs. Il me suffit en ce moment d’opposer ce double témoignage à l’opinion des Népâlais, qu’il n’est pas non plus facile de justifier par la forme des livres buddhiques. Nous l’avons déjà dit, cette forme est celle d’un discours ou d’un dialogue où Çâkya paraît s’entrete-

  1. Hodgson, Notices, etc., dans Asiat. Researches, t. XVI, p. 422.
  2. Csoma, Anal. of the Dul-va, dans Asiat. Researches, t. XX, p. 42. Turnour, Mahâvamso, p. 12 sqq.